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Afrique: l’offensive diplomatique du Roi Mohammed VI [Décryptage]

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L’approche du Maroc sur le continent africain en matière de diplomatie et de coopération est sans précédent. Après sa réintégration au sein de l’Union africaine, le royaume chérifien poursuit sa grande conquête du territoire. Objectif : damer le pion aux grandes puissances européennes et la Chine, pour devenir le partenaire N1 du reste de l’Afrique.

Lors du Forum Maroco-Ivoirien organisé en 2013 à Abidjan, le roi Mohammed VI du Maroc avait fait une déclaration qui résume aujourd’hui l’essentiel de sa politique et de sa vision sur le continent. « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique, » avait-il soutenu. Dans cette mission de conquête, le Maroc a effectivement de quoi séduire. Le royaume a, après le Nigéria et l’Afrique du Sud, la meilleure économie du continent.

Depuis l’annonce de sa réintégration en juillet 2016, le Maroc ne fait que multiplier les partenariats et les accords, même avec des pays qui étaient restés jusque-là à l’écart de la politique de Rabat, à cause des alliances avec le front Polisario. Le Roi a signé en moins de deux ans pas moins de 150 accords et le royaume est loin de s’en lasser. Au cœur des offres marocaines, six secteurs prédominent : l’agriculture, la banque, les énergies renouvelables, les mines, le tourisme et la logistique. Au sein de la diplomatie marocaine, le langage tenu est unanime et sans équivoque : l’expérience de ce pays est désormais assez riche pour être reproduite dans d’autres pays africains.

En Afrique de l’Ouest précisément, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réduite à une zone de confort du royaume alaouite. Le roi a foulé un grand nombre de pays, ou rencontré les Chefs d’État dans la communauté. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire précisément, le Maroc a même mis en place des Groupes d’impulsion économique (GIE) qui gèrent directement tous les accords entre les patrons d’entreprises.

En effet, la coopération entre le Maroc et cette partie de l’Afrique se fait à tous les étages de l’administration. Comme pour conclure une longue démarche de charme et de séduction, ce pays du nord de l’Afrique a fait part à la CEDEAO de son ambition d’intégrer la communauté. Et, encore plus d’adopter une éventuelle monnaie unique de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest, si ce projet venait à aboutir. Pour le premier, actuellement, un accord de principe a été trouvé tandis que pour le second, le projet tarde à être effectif.

Le big 3

En effet, le Maroc s’est, depuis quelques années fait apôtre de la coopération sud sud. Mohammed VI ne le cache pas ; le roi a fait de cette coopération, un véritable cheval de bataille avec une amplification de ses relations particulièrement avec l’Afrique subsaharienne, avec laquelle il développe d’énormes ambitions commerciales. Dans cette vision portée par les responsables du royaume, le Nigeria et l’Afrique du Sud s’y inscrivent favorablement pour une coopération intra-africaine. Lors de sa récente visite à la nation arc-en-ciel, Mohammed VI et le président sud-africain, Jacob Zuma s’est mis d’accord pour maintenir « un contact direct », dans une perspective, disent-ils, « de se lancer dans un partenariat économique et politique, et de dépasser l’état qui caractérisait les relations bilatérales ».

Premier résultat de cette rencontre : Rabat va envoyer un ambassadeur de haut niveau à Pretoria, treize ans après l’avoir rappelé suite au soutien du président sud-africain Thabo Mbeki aux indépendantistes du Sahara occidental. « Le Maroc est une nation africaine, il est normal d’avoir des relations diplomatiques avec eux » s’est justifié le président Jacob Zuma. Avec le Nigeria et l’Afrique du Sud, le Maroc souhaite prendre le lead de l’Afrique.

Sommet UE-UA, la vision marocaine

Lors du sommet Union Africaine – Union Européenne, le roi a marqué la rencontre de la vision marocaine qu’il a, en fin de compte, imprimée à tout le continent. Dans son discours et en sa qualité de « Leader de l’Union africaine sur la Migration », Mohammed VI s’est appesanti principalement sur la question migratoire, « urgence de l’heure ».

Pour celui-ci, la politique européenne en matière de migration doit évoluer alors qu’au même moment, les pays africains doivent, dit-il, passer à l’action. « Si nous mesurons les défis que pose l’immigration, nous n’ignorons pas pour autant ses aspects positifs », a-t-il soulevé.

Mohammed VI a profité pour rappeler l’apport des migrants africains dans la reconstruction de l’Europe d’après-guerre, en interdisant de donner toute tournure « idéologique, passionnelle, voire xénophobe » à cette question. Le roi voudrait qu’aujourd’hui, une nouvelle vision s’impose. « Il s’agit de faire de l’immigration un sujet de débat apaisé et d’échange constructif. Au Nord comme au Sud, nous en tirerons tous des avantages » a affirmé le roi qui a espéré donner le ton d’une coopération nouvelle, en se proposant également après ses leçons, la mission de rapatrier les migrants avec ses avions dans leurs pays respectifs. L’opération charme a bien réussi pour le roi.

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