Accueil Afrique central En Afrique, le vaudou résiste aux tempêtes d’évangélisations [Grand Angle]

En Afrique, le vaudou résiste aux tempêtes d’évangélisations [Grand Angle]

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Croire que le Vaudou en Afrique a perdu ses lettres de noblesse à cause du modernisme, de l’éducation, de la colonisation ou des croyances exotiques est un constat erroné. Et aucun acteur ni politique ni religieux ou d’autre ne peut se permettre d’oublier son influence, ni par hypocrisie, ou par négligence.

Pourtant, les églises ne cessent de pousser dans les coins de rue à Lomé, à Cotonou ou un peu partout dans la sous-région ouest-africaine. Il est vrai qu’il y a en Afrique, de Dakar à Lubumbashi, de Lomé à Bangui en passant par Cotonou, des forces surnaturelles, détentrices du pouvoir « du mal ». Dans la « basse population », le catholicisme et les autres religions monothéistes ont du mal à exorciser, même avec la plus grande rigueur, l’Afrique du vaudou et de ses religions polythéistes « mal-aimés ». Au Togo précisément, ce n’est pas exagéré : les églises dites de « réveil » ont beau être les endroits les mieux abrités par la population de toute catégorie, nul n’ose jouer avec la face cachée de la raison.


L’invisible ayant un sens et une façon étrange de communiquer, la moindre anomalie est porteuse de messages des « ancêtres ».


Au Bénin, lorsqu’on parle de religion, les statistiques indiquent 27 % de chrétiens, 22 % de musulmans et 37 % d’animistes. Mais demandez qui n’a jamais consulté le Vaudou, pour un problème de stérilité, de vol, d’un sort qu’on veut retourner à l’envoyeur ou d’un décès dont on révoque une origine naturelle, et vous vous rendrez compte que les statistiques seront beaucoup plus importantes en faveur de la religion traditionnelle. La question principale n’est plus de savoir si le Vaudou est un mythe ou une réalité, la réponse est évidente. La curiosité c’est de se demander comment cela fonctionne, ou comment cette pratique surmonte l’usure des temps ?

Toutefois, assimilé à tort ou à raison à la sorcellerie, la présence du Vaudou est souvent redoutée. C’est pourquoi les hiboux « prédateurs » de chairs humaines, les cobras vengeurs, les tortues à doubles carapaces ou les lézards polymorphes à doubles queues sont toujours craints. L’invisible ayant un sens et une façon étrange de communiquer, la moindre anomalie est porteuse de messages des « ancêtres ». Dans ce domaine où les professions de foi sont très rares, il est très difficile de prouver à une tierce personne — en théorie du moins — l’efficacité du mode opératoire, ce ne sont pas que les civils qui s’en emparent.

Le Vaudou salvateur

1er septembre 2011. À Iroko, forêt sacrée de Kpassè en lisière de la cité côtière béninoise de Ouidah, jadis funeste fief de la traite négrière au Bénin, une foule pouvait se voir. Surtout, un Blanc dont la main gauche effleure le tronc de l’arbre vénéré. Mais qui est-il ? Le maire de Nantes et futur chef du gouvernement, le très cartésien Jean-Marc Ayrault. Et quelle requête le patron des députés du Parti socialiste, porté en février 2016 à la tête du Quai d’Orsay, soumet-il à la réincarnation végétale d’un monarque mythique du XIVe siècle ? « Que François Hollande détrône Nicolas Sarkozy au printemps suivant. » Mais, il précisera plus tard, « je n’ai formulé aucun vœu pour moi-même ».


Au pays d’Angélique Kidjo, les adeptes vaudou sont convaincus. « Tout Africain est né vaudou.»


En effet, le Bénin a vu défiler, en cachette comme au grand jour, des cohortes d’élus, candidats et ministres, exotiques ou non. Car nul politicien de l’ex-Dahomey n’oserait mépriser les forces de l’esprit, même si le politiquement correct demande le contraire. L’ancien premier ministre béninois, candidat à l’élection Lionel Zinsou ne l’ignore pas. Ce Béninois a beau passer sa première vie loin du Bénin natal, il devra s’habituer à ne pas serrer la main à tout le monde, à s’asseoir dans n’importe quelle chaise ou à boire avec n’importe quel verre. Au pays d’Angélique Kidjo, les adeptes vaudou sont convaincus. « Tout Africain est né vaudou. C’est pour cela que quand nos ancêtres, nos parents, nos grands-parents ont été emmenés en esclavage, leurs esprits retournent chez nous ici. »

Vu de mauvais œil

Le vaudou, à l’origine, n’a rien à voir avec la sorcellerie ou la magie noire. Dans la cosmogonie de l’aire culturelle Adja-Tado au sud, c’est une pratique religieuse qui consiste au culte d’un Dieu créateur (Mawou) au-dessous duquel se trouvent d’autres dieux inférieurs. Entre autres, Sakpata : dieu de la variole ; Ogoun : dieu du fer ; Mamie Wata : déesse de l’eau, etc. Eux, ils servent d’intercesseurs à l’homme pour atteindre Dieu tout-puissant. « C’est à partir de Ouidah que le vaudou s’est retrouvé partout dans le monde entier. Il faut le reconnaitre, c’est quelque chose qu’il ne faut pas nier. Le vaudou c’est quoi ? C’est la nature, les quatre éléments de la nature, les respecter et connaître et respecter leurs principes. » Explique, initié au culte vaudou.


Il aura fallu la Conférence nationale souveraine de février 1990 pour redonner au vaudou ses lettres de noblesse.


Au Bénin, sous le régime révolutionnaire qui a duré 17 ans, le vaudou a été traité de tous les noms : « pratique rétrograde », « fétichisme » voire, « obscurantisme ». Cela n’a pas pour autant empêché les dépositaires du culte vaudou de continuer à pratiquer leur religion comme si de rien n’était. Un chef religieux du nord du pays, défiant les marxistes-léninistes de l’époque, est allé jusqu’à dire, non sans humour, que « depuis que le monde existe, on n’a jamais vu les bouses de vache se transformer en vache ». Comme pour leur dire que la révolution ne pouvait pas empêcher les gens de pratiquer leur religion.

Il aura fallu la Conférence nationale souveraine de février 1990 pour redonner au vaudou ses lettres de noblesse. Et c’est le président Nicéphore Soglo, chrétien bon teint qui, en son temps, concéda ce droit aux adeptes des religions traditionnelles.


Je suis chrétien, mais cela ne m’empêche pas d’être attaché à la religion de mes ancêtres, le vaudou. Pour moi, cela n’est pas incompatible


Depuis, le vaudou est une religion au même titre que l’islam et le christianisme. Mieux, elle connaît un engouement et une expansion certains. « Je suis chrétien, mais cela ne m’empêche pas d’être attaché à la religion de mes ancêtres, le vaudou. Pour moi, cela n’est pas incompatible », confie un religieux.

Désormais, chaque année, le 10 janvier, des milliers d’initiés vaudou célèbrent au Bénin les quatre divinités de la nature. Venues d’Afrique, des Antilles, d’Europe ou des États-Unis, c’est sur la plage de la Porte du non-retour à Ouidah que les adeptes du culte se recueillent. Le vaudou est certes un culte ancestral, mais il n’a pas toujours eu bonne réputation, malgré environ ses 50 millions de membres à travers le monde.

Emmanuel Vitus 

 

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