Accueil Startups Tech & Innovation Dans les coulisses de Nahêni, le batik togolais qui cartonne [Grand Angle]

Dans les coulisses de Nahêni, le batik togolais qui cartonne [Grand Angle]

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À Lomé, dans la capitale togolaise, se positionne une marque de vente du batik, moyen d’un retour au tissu traditionnel et de valorisation de l’artisanat.

À la tête de cette marque Ayoko et Ayélé Gabiam, deux sœurs aux parcours différents. Nahêni (grandeur d’âme en Akposso, une langue parlée à l’ouest du Togo) créé en 2016 a démarré ses activités l’année passée. « Quand ma sœur et moi avions eu l’idée de créer cette marque pour valoriser le pagne batik authentique togolais, le nom qu’elle devrait porter était une évidence. Pour nous c’était important de mettre les femmes au sein de cette aventure », raconte Ayoko Gabiam, 27 ans. Puis d’une voix posée, celle pour qui entreprendre est devenu « si naturel » explique avec la gestuelle adéquate : « Nahêni, c’est le prénom de notre grande mère maternelle. Elle était une femme de cœur, mais de très fort caractère. N’ayant eu qu’un seul enfant, elle en a adopté une cinquantaine. C’est grâce à elle que nous sommes aujourd’hui des femmes conscientes de notre valeur et de nos capacités à réaliser nos rêves ».

Cette « présence » de leur grand-mère, les deux sœurs la conjuguent avec détermination depuis qu’elles ont décidé de lancer leur marque. Leurs diplômes en poche, elles effectuent un voyage touristique à travers le Togo et tombent, disent-elles, sous le charme de ce tissu vivant, 100 % coton, fait main, authentique Togolais qu’elles ne connaissaient pas : le Batik. Elles s’assignent alors une mission. « Quand tu redécouvres ton pays pour la première fois et que tu tombes sous le charme de son textile fait main surtout le BATIK, qui est original, en colorie variée et unique, mais méconnue, tu prends l’engagement de le vulgariser dans ton pays ainsi que dans le monde », résument-elles.

Craft women

Après sa création Nahêni suit une période d’incubation d’un an à Innov’up Togo, un incubateur dédié aux femmes. Depuis huit mois, l’entreprise peut également compter sur l’accélérateur Youth CDC qui lui a offert un financement en fonds propres d’un million de FCFA avec une levée de fonds en préparation. Les deux responsables se sont entourées d’une équipe de vingt personnes parmi lesquelles on trouve essentiellement de femmes membres de coopératives d’artisans.

Ayoko, la plus jeune a plutôt un parcours « atypique ». Passion pour l’artisanat depuis la tendre enfance, ingénieure de conception en Réseaux Télécommunication, business développer depuis bientôt quatre ans. Mais aussi diplômée en langue et culture chinoise. Cette touche-à-tout qui parle couramment l’anglais affirme : « Moi je suis plus axée sur le côté marketing, vente, développement et gestion de nos plateformes en ligne ». Quant à la création des modèles, des motifs et des colories appropriées, c’est Ayélé, la sœur ainée, styliste de formation qui s’en charge.

Du batik, du bio… de la valorisation

Mais dans un secteur qui reste encore à développer, Ayoko Gabiam soulève de réelles contraintes, notamment « quand on est femme ». « Être jeune entrepreneure est un premier défi en soi parce que les gens n’ont pas automatiquement confiance en ce que tu fais », confie-t-elle. « Vous pouvez imaginer qu’en ce jour où nos voisins frontaliers ont pris acte de valoriser leur textile, le Togo est encore à l’étape de découverte », clarifie pour sa part Ayélé Gabiam. Les deux sœurs s’attèlent donc à faire connaître ce qu’elles font. « La majorité des Togolais qui nous contactent veulent d’abord savoir ce qu’est le Batik », affirment-elles.

Le batik togolais est d’une qualité enviable dans la sous-région. Contrairement au batik ghanéen marqué par des symboles Adrinké, le tissu togolais utilise des représentations d’animaux comme motifs. Nahêni insiste sur l’authenticité. « Notre batik diffère dans le processus de fabrication. Nous utilisons des produits bio, des colorants à base d’écorces d’arbre. Le batik togolais dégage une authenticité plus marquée sur les valeurs », explique Ayélé Gabiam.

La dernière collection homme et femme de Nahêni a été lancée il y a quelques mois. Dénommé SEN’KA (visionnaire), elle valorise des motifs et des colories qui décrivent « le contraste de mondialisation de la mode et l’importance de valoriser notre héritage artisanal », fait savoir Ayoko Gabiam.

Afrikrea

Il faut dire que depuis son lancement, la marque propose du pagne batik unique à partir de deux yards. Nahêni offre surtout des T-shirts originaux, du prêt-à-porter homme femme, mais aussi des accessoires. Des produits dont les prix d’achat sont fixés de 2500 à 50000 FCFA. Quand elles ne sont pas en l’intérieur du pays, les deux sœurs occupent différemment leur journée. Entre autres, des réunions avec collaborateurs ou des ventes et livraisons de commande. Pour le moment, Nahêni vend ses produits en ligne grâce à sa boutique Afrikrea. Les deux entrepreneures misent également sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Pinterest, Twitter) et sur du bouche-à-oreille.

En 2017, Nahêni a reçu des commandes de l’Amérique et de l’Europe. L’entreprise a vendu près de 600 articles et compte cette année vendre plus de 4000. Mais aussi, la marque envisage de mieux se faire connaître au plan local pour deux raisons. Mieux faire face à une concurrence qui paraît « inexistante » et convaincre une population qui préfère encore les tissus importés qui coûtent moins chers.

En attendant, les sœurs Gabiam travaillent sur l’ouverture de leur première boutique physique au Togo. « Nous voulons qu’elle représente nos valeurs sociales et l’identité de Nahêni », annoncent-elles. Nahêni gravira alors un nouvel échelon qui devrait l’aider à s’implanter dans des capitales étrangères. Le couronnement pour cette marque qui se veut particulièrement africaine.

 

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