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Isabel dos Santos: incursion dans l’empire de la femme la plus puissante d’Afrique

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Quand le père, l’ex-président marxiste Eduardo dos Santos s’était finalement convaincu de quitter le pouvoir en août dernier, après 38 années passées à la tête de l’Angola, c’est la direction de la Sonangol, la compagnie nationale de pétrole, fleuron de l’économie angolaise que celui-ci a pris le soin de laisser à sa fille, Isabel Dos Santos.

Qu’il le veuille ou non, Joao Lourenço, le successeur d’Edouardo dos Santos devrait gouverner, du moins pour ses premières heures, dans l’imposante ombre du clan dos Santos, y compris celle qui a en main la grande partie de l’économie du pays : la femme la plus riche et la puissante d’Afrique (selon Forbes) : la « princesse Isabel ».

Isabel dos Santos a été nommée le 2 juin dernier à la tête du conseil d’administration de la Sonangol. En plus d’une fortune estimée, selon le magazine Forbes, à 3,3 milliards de dollars, celle que les Angolais surnomment la « Princesse » se retrouve aux commandes d’une société qui présentait un chiffre d’affaires de 40 milliards de dollars en 2013.

Pour sa première conférence de presse, la fille du président, âgée de 43 ans, s’est efforcée de rassurer. « Nous sommes très attachés à la transparence et déterminés à améliorer les bénéfices », a déclaré la nouvelle présidente qui souhaite recentrer la firme exclusivement sur les hydrocarbures. Sauf que les Angolais voient les choses autrement.

Empereur Eduardo & princesse Isabel dos Santos

On peut aujourd’hui soutenir qu’Isabel a construit sa propre fortune, toujours est-il que les bénédictions du père ont été importantes. Quand son père est arrivé au pouvoir, Isabel avait 6 ans. Désormais, elle n’est pas que la fille d’un président richissime.

Mariée au riche collectionneur d’art congolais Sindika Dokolo avec qui elle a eu trois enfants, elle a la réputation d’être une « business woman » tenace et exigeante, sous des airs discrets.


Je vendais des œufs de poule quand j’avais 6 ans


Née à Bakou (en Azerbaïdjan soviétique) d’une mère championne d’échecs, celle qui dit avoir une « vie normale » à Luanda a grandi à Londres, où elle a étudié l’ingénierie mécanique au King’s Collège. Dans l’une des rares interviews qu’elle a accordé, elle raconte au Financial Times en 2013, avoir toujours eu le sens des affaires.

« Je vendais des œufs de poule quand j’avais 6 ans », confie celle qui voudrait que son histoire soit perçue comme une success-story. C’est en rachetant, à 24 ans, un restaurant de Luanda que la « Princesse » ambitieuse a commencé sa carrière dans les affaires. Elle entame son ascension en 1997, à seulement 24 ans, en créant avec sa mère une société de commercialisation de diamants. La femme d’affaires est depuis à la tête d’un véritable empire.

Mais c’est en 1999 qu’elle a pris son envol en remportant un appel d’offres lui a permettant de contrôler Unitel, le premier opérateur de téléphonie mobile du pays.

Très riche, Isabel dos Santos a été classée huitième fortune d’Afrique, selon le magazine Forbes. Son patrimoine, estimé à 3,3 milliards de dollars, serait majoritairement placé au Portugal, ancienne puissance coloniale de l’Angola. Pour en arriver là, la fille du président a investi partout. D’abord dans les télécommunications, avec Unitel, la principale compagnie de téléphonie mobile de l’Angola, et NOS, un opérateur de téléphonie portugais, qu’elle détient à 50%. Puis dans les banques angolaises et portugaises (25 % de la BIC Angola, 42,5% de la BIC Portugal…). La princesse a maintenant jeté son dévolu sur les grandes compagnies d’énergie, en achetant 33,3% du capital de Galp, société pétrolière portugaise.

Millionnaire par son père ?

En Angola, les premiers gisements de pétrole sont découverts en 1910. Mais jusqu’à l’indépendance, en 1975, le pays ne produit que 50 000 barils par jour. À cette époque, l’Angola se contentait d’être une puissance agricole, 4e producteur mondial de café et entièrement autosuffisant sur le plan alimentaire.

Entre l’accession à l’indépendance et l’arrivée au pouvoir de José Eduardo Dos Santos, ingénieur du pétrole et successeur désigné D’Agostino Neto, la production pétrolière double pour atteindre 100 000 barils par jour. En 1980, le produit intérieur brut angolais était de 3,6 milliards de $ avec une contribution significative du secteur pétrolier. Le changement de cap est définitivement acté. L’avenir du pays s’écrira à l’encre du pétrole.


Ils sont nombreux, dans l’opposition angolaise, à dénoncer l’utilisation du pouvoir présidentiel pour arranger les affaires d’Isabel dos Santos.


Dans cet environnement où, en effet l’Angola dépend finalement à 70% du pétrole, confier les rênes de la société de gestion des hydrocarbures à la fille du président n’a rien d’anodin, aux yeux de bon nombre d’Angolais.

Ils sont nombreux, dans l’opposition angolaise, à dénoncer l’utilisation du pouvoir présidentiel pour arranger les affaires d’Isabel dos Santos. Le journaliste angolais Rafael Marques affirme dans son livre Diamants de sang : corruption et torture en Angola, que les entreprises, dont « Isabel, la fille à papa » s’est emparées, comme tais ou Unitel, sont gangrenées par la corruption et le favoritisme.

« La fortune d’Isabel vient des décrets présidentiels de son père qui est un dictateur corrompu jusqu’à la moelle, assène Rafael Marques. Sans la corruption organisée par son père, elle ne posséderait rien… Elle est à craindre, car elle tient à sa disposition l’appareil répressif de l’État, ainsi que le pouvoir institutionnel qui permet d’éliminer ou de punir ceux qui s’opposent à ses démarches. »


En Angola il n’y a que deux femmes qui sont de grandes entrepreneuses : l’une est la fille du président, l’autre est son épouse


Pour Didier Péclard, politologue, spécialiste de l’Angola, Isabel dos Santos aurait aussi profité du pouvoir de son père pour faire fructifier Unitel : « Le prix des licences de télécom est très élevé pour les autres opérateurs en Angola. Avec Unitel, Isabel dos Santos a été dans une situation privilégiée. Unitel a pu profiter d’un accès privilégié aux licences de télécom et, de fait, a pu couvrir tout le pays. Elle a probablement bénéficié d’un traitement de faveur. » Toujours pour celui-ci, en Angola, on ne devient pas un entrepreneur important sans avoir de bons relais politiques. « D’ailleurs, il n’y a que deux femmes qui sont de grandes entrepreneuses : l’une est la fille du président, l’autre est son épouse. »

Cependant, le nouvel homme fort de l’Angola promet d’enrayer les inégalités et de redresser l’économie, même si les embûches sont bien connues par tout le monde. Il devra se libérer du carcan dos Santos : Isabel à la Sonangol et son frère au fonds souverain. Mission difficile.

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