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Silicon Mountain: l’Afrique se crée une révolution high-tech

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À l’image de la très célèbre Silicon Valley américaine, au Cameroun, la Silicon Moutain tente une révolution high-tech sur un continent qui, dans le domaine, cherche encore ses repères.

Buéa, ville anglophone située au pied du mont Cameroun, un volcan en activité culminant à 4100 mètres d’altitude. En 2005, on n’y comptait pas moins de 131 325 habitants. Au sein de sa cité universitaire, une centaine de jeunes « Tech-entrepreneurs » y déploient leur génie technologique pour permettre à leurs entreprises d’émerger. La ville accueille actuellement les plus jeunes start-ups TECH du Cameroun. Elle abrite une communauté de développeurs et designers informatiques qui n’a cessé de croître au fil des 5 dernières années. Cette ville, bien plus qu’une destination touristique est devenue une destination technologique.

En effet, cette effervescence a été rendue possible grâce à la présence des établissements comme l’université de BUEA, ou encore l’université Saint-Monica… Ce fort intérêt pour la technologie lui a valu le surnom de « Silicon Mountain ». Une référence à la Silicon Valley aux États-Unis et la touche locale représentée par le mot « Mountain » pour signifier le mont Cameroun. Le terme a été utilisé pour la première fois publiquement par Rebecca Enonchong à la conférence Bar Camp Cameroon qui a eu lieu à Buea en 2013.

Suivant le modèle des riches businessmen tels que Bill Gates, Mark Zuckerberg ou même Masayoshi Son, les Tech-entrepreneurs de Buéa gravissent progressivement les échelons du e-business en Afrique. Certaines start-ups sont devenues des références. Elles sont nombreuses à éclore chaque jour. Cependant, dans une société en voie de développement, ces Tech entrepreneurs font face à d’énormes difficultés qui freinent leurs ambitions et l’avancement de leurs projets.

Success-Story du Silicon Mountain 

Ces dernières décennies ont vu le marché du digital explosé en Afrique. Aujourd’hui, près d’un tiers des Africains disposent d’un Smartphone et le boom du digital n’est pas près de s’essouffler. Le potentiel de développement de L’Afrique dans ce domaine représente un grand marché. Ces jeunes entrepreneurs l’ont bien compris.

La « Silicon Mountain » regorge d’importantes startups, des créateurs de logiciels, des développeurs d’applications internet et mobiles, des gens formés en marketing et à la vente d’innovations technologiques et la liste est loin d’être exhaustive. La plupart se retrouve à Activspaces, un incubateur de start-ups, l’un des fleurons du High Tech à Buea. Les développeurs travaillent sur beaucoup de produits r mais ils partagent une chose. Ils font ce qu’on appelle la « globalisation » ; un concept selon lequel on conçoit des produits répondant à un besoin local tout en visant une clientèle internationale. Les solutions développées s’étendent clairement bien au-delà du marché camerounais.

Ainsi, Njorku qui est aujourd’hui l’un des plus grands moteurs de recherche d’emplois en Afrique est un produit de la Silicon Mountain. Avec plus de 200 000 visiteurs chaque mois, le site est accessible en deux langues, le français et l’anglais, et permet de rechercher des emplois dans près d’une quinzaine de pays. Derrière cette plateforme se cache le jeune Churchill Mambe Nanje, 30 ans, classé par Forbes parmi les 20 perles technologiques d’Afrique. Autre succès de la Silicon Mountain, Skademy, une plateforme e-learning africaine. Fondée par Otto Akama, la startup Skademy aide les gens à se former sur différentes technologies avec l’appui de tuteurs privés et des institutions reconnues en Afrique. Mais pas que.

D’autres comme Viva, c’est une plateforme de divertissement pour les bus et les trains, permettant aux opérateurs des transports d’offrir à leurs clients des divertissements semblables à ceux disponibles en avion ; ou encore Feem, un moyen de transférer des fichiers (photos, vidéos, et documents) entre téléphones, tablettes et ordinateurs en local sans Internet, sans câbles, sont des succès venant de cette partie du Cameroun.

Large potentiel économique

En Afrique, face à l’échec cuisant des politiques d’États pour l’emploi des jeunes, l’entrepreneuriat est devenu presque la seule arme contre le chômage. Selon les statistiques, 60 % des chômeurs du continent sont des jeunes de 15-24ans.

De plus, les chiffres font ressortir que seuls 10 % des jeunes issus de l’enseignement supérieur et qui intègrent le marché du travail trouvent de l’emploi. Face à ce problème, la Silicon Mountain qui a décidé de ne rien attendre du gouvernement ou des entreprises du secteur privé, mais de s’auto-employer et même de créer des entreprises qui emploient d’autres est sans doute une idée noble. « Il ne faut pas compter sur personne pour son avenir », affirme Epey Collins, CEO de Colorfluid.

En termes d’activité économique, la Silicon Mountain représente des emplois directs et indirects pour plusieurs centaines de jeunes Camerounais. Une source de revenus pour des jeunes qui ont décidé de créer eux-mêmes leur emploi et d’en offrir à d’autres, sans compter sur l’État et surtout sans se plaindre. Ces jeunes diplômés développent chaque jour de nouvelles applications, des logiciels, investissent dans des start-ups, des entreprises numériques qui ont des clients partout dans le monde, du Cameroun au Nigeria en passant par l’Europe et les États-Unis pour beaucoup.

Cependant, les jeunes startups à Buea rencontrent beaucoup de problèmes qui compliquent leur évolution : le manque de ligne de téléphone fixe, réseau incomplet, utilisateurs inexpérimentés.

Selon les jeunes entrepreneurs qui s’y incubent, les startups de la Silicon Mountain ont besoin d’investisseurs qui s’engagent dans la durée avec de l’expérience et un réseau de contacts efficace.

La Silicon Mountain, à l’épreuve des défis politiques

Le 17 janvier 2017 et après 93 jours de coupure d’internet, la Silicon Mountain avait été ébranlée. Pour des jeunes tech-entrepreneurs, la coupure internet pendant plus de 3 mois a été sans doute le plus grand défi. L’incubateur ActivSpaces, dont les activités sont localisées à Buea, avait été contraint de déplacer ses troupes dans la capitale économique du Cameroun, afin de ne pas stopper complètement les activités. Beaucoup de startups se sont déplacées vers Douala, la capitale économique et ville la plus proche, pour trouver le réseau Internet.

Selon Julie Owono, la responsable de la branche Afrique de l’ONG Internet sans frontières (ISF), la coupure internet dans les deux régions anglophones a potentiellement fait perdre « 1,35 million de dollars à l’économie du Cameroun ». Plusieurs startups ont été touchées. « Notre productivité a baissé de plus de 60 %. De plus, nous avons perdu des projets, des contrats et nous ne pouvons plus prendre de nouveaux clients, déplore Valery Colong, cofondateur de trois start-ups et manageur d’ActivSpaces. J’ai perdu des millions de francs, rien qu’avec un projet. »

Cette censure du net n’avait pas laissé indifférent Edward Snowden, le célèbre informaticien américain exilé en Russie pour avoir rendu publics des documents de la NSA. Dans un tweet, celui-ci affirme qu’« il s’agit de l’avenir de la répression. Si nous ne luttons pas là-bas [au Cameroun], cela va arriver ici. »

La Silicon Mountain est vue comme cette zone qui occupe une place de choix dans le secteur de l’économie numérique au Cameroun en termes d’expérience, d’innovation, de nombre de start-ups, et de qualité de produits et services offerts. Si elle bénéficie d’un climat favorable pour la recherche, les défis dans un Cameroun constamment secoué par des crises politiques constituent un mal qui peut faire fuir les nouveaux Tech-entrepreneurs.

 

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