Accueil Afrique central Coup d’État: ces 40 pays africains où la tradition est légion [Grand Angle]

Coup d’État: ces 40 pays africains où la tradition est légion [Grand Angle]

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Ce 15 novembre, les Zimbabwéens se sont réveillés, face à une situation qui dans ce pays dirigé par le vieux Robert Mugabé (93 ans) depuis l’indépendance du pays en 1980, est la première : une prise de pouvoir par les militaires. Pourtant, sur le continent l’initiative est légion.

La force de défense zimbabwéenne (ZDF) a pris le contrôle du radiodiffuseur d’Etat et a assigné à résidence le dirigeant Robert Mugabe et sa famille. Dans une allocution télévisée, la ZDF a pris soin de souligner qu’elle n’avait pas fait de coup d’État, mais qu’elle avait plutôt agi pour apaiser les tensions suite au limogeage du vice-président. Mais les camions militaires stationnés menaçants dans les rues de Harare laissent penser le contraire. L’opération se veut une purge, visant principalement, même si cela ne se dit pas, la première dame, Grace Mugabé.

En réalité, cette séquence d’événements s’est déroulée plusieurs fois dans différents pays à travers le continent africain. En effet, depuis les années 1960, année des indépendances, l’Afrique a connu au moins 200 coups d’État réussis et ratés. Quelques-uns d’entre eux ont inspiré des films hollywoodiens comme Tears of the Sun qui mettait en vedette Bruce Willis et dépeignait un renversement sanglant d’un président nigérian.

Quid des pays les plus touchés

Contrairement à d’autres parties de l’Afrique, les coups d’État militaires ont été rares dans l’histoire postindépendance de l’Afrique australe. En réalité, seul le Lesotho en a eu deux. Les coups d’État sont généralement devenus rares à travers l’Afrique à mesure que la démocratie s’impose ces dernières années, avec une participation citoyenne bienveillante et des sociétés civiles garantes et actives.

Depuis 1952, année du premier coup d’État en Afrique perpétrée en Égypte par Nasser contre le roi Farouk beaucoup de choses se sont passées. Sur le continent, c’est le Burkina Faso, terre de Thomas Sankara, qui bat les records. Après avoir été témoin de 10 tentatives, le pays enregistre le plus haut score en Afrique. Six d’entre eux sont survenus dans les années 1980 avec deux de ces tentatives menées par Blaise Compaoré qui, ayant pris le pouvoir en 1987, a régné pendant 27 ans jusqu’en octobre 2014, date à laquelle il a été renversé lui-même par un autre coup d’État. Selon bien de spécialistes, la fréquence des coups d’État signifie que le Burkina Faso n’a pas assisté à un transfert pacifique du pouvoir à travers des élections.

De même en Guinée-Bissau, aucun président n’a achevé un mandat complet depuis l’indépendance du pays en 1974. Ces coups d’État sont souvent sanglants avec plus de trente premiers ministres et présidents en Afrique tués par des coups de force et des coups d’État.

D’autres pays aussi ont connu cette situation. Le Nigeria, première puissance économique et démographiquement plus grand pays du continent a connu au total 8 reversements militaires. Le pays a passé plus de 57 ans d’indépendance sous un régime militaire. Des pays comme le Burundi, le Tchad, le Ghana, les Comores, le Mauritanie et le Soudan ont connu quant à eux 6 coups d’Etats depuis leurs indépendances. L’Ethiopie, la Libye, la République centrafricaine la sierra Leone ou encore le Bénin ont enregistré au moins 5 renversements militaires.

Parmi les 40 pays africains ayant connu des coups d’État, le Maroc, le Kenya et le Cameroun sont les trois pays où aucun n’a réussi. Dans 12 de ces 40 pays, des coups d’État ont eu lieu dans les cinq ans suivant l’indépendance. Au total, 23 pays africains ont vu au moins trois coups d’État. En effet, seulement 14 pays sur les 54 que compte l’Afrique n’ont pas encore connu un coup d’État militaire. Toutefois, il faut préciser que l’absence de coup d’État réussi ne garantit pas toujours la paix. Le Soudan du Sud par exemple, l’un des pays les plus jeunes du monde, a été embourbé dans la violence pendant une grande partie de son existence, les groupes rebelles cherchant une plus grande part du pouvoir.

Renversement militaire: une tradition ?

À bien des égards, beaucoup de pays africains possèdent un cocktail d’ingrédients qui remuent les coups, avec des leaders qui s’accrochent dans la majorité des cas au pouvoir au détriment des institutions affaiblies. Les citoyens agités, qui sont souvent victimes d’injustices et d’inégalités sociales, sont probablement plus ouverts au changement de régime et prêts à croire aux promesses de l’armée de réparer les choses et de faire place à un gouvernement civil en un rien de temps. Cependant, l’histoire a montré que les dirigeants du coup d’État ne tiennent pas toujours cette promesse : le Nigeria, en est un exemple.

Au-delà de la reprise probable des violations des Droits de l’Homme et des droits constitutionnels, les coups d’État tendent aussi à anéantir la croissance économique. Étant donné l’incertitude entourant les interventions militaires au sein du gouvernement, les investisseurs ont tendance à hésiter à investir de l’argent dans des économies dirigées par les caprices d’un dictateur. L’effet probable est souvent un manque de croissance économique, une inflation accrue et le chômage (comme au Zimbabwe), certains des choses que les militaires citent souvent comme la raison pour laquelle ils ont pris le pouvoir en premier lieu.

Selon l’universitaire Ivoirien Kouassi Yao, spécialiste de l’Histoire contemporaine il y a une distinction importante à faire entre les coups d’État pro-démocratiques, les coups d’État antidémocratiques et les coups d’État à caractère subversif. Les premiers, explique-t-il, ont pour objectif de créer les conditions de l’essor de la démocratie, les deuxièmes ne favorisent pas l’épanouissement de la démocratie, au contraire mettent fin au processus démocratique en cours, les troisièmes étant le fait de pays voisins, de multinationales ou de grandes puissances. Selon celui-ci, les coups d’État et les guerres civiles favorisent toujours l’instabilité politique. « Le meilleur ami du développement, c’est la démocratie », est-il persuadé.

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