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Homosexualité: malgré les efforts, l’Afrique reste toujours inaccessible

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Festyival Gay Pride Parade

Vouloir parler de l’homosexualité sur une terre qui se targue d’être fort attachée à la morale parait démesuré. Cependant, il est difficile de nier d’une manière ou d’une autre la présence de l’homosexualité en Afrique, même si on préfère en parler avec un mépris provocateur sur le continent.

Le cliché d’un homme tenant la main d’un autre ou d’une femme trop collée à une autre est mal apprécié. Il est question d’une pratique qui n’est pas en odeur de sainteté en Afrique. Parler de l’homosexualité sur le continent comme une pratique de jouissance peut sembler en amont débile. Beaucoup la présente comme un mal à évincer du continent noir tel l’impérialisme. Le débat sur cette pratique qui consiste à sceller une union entre deux personnes du même sexe fait couler beaucoup d’encre et donc, suscite beaucoup d’émotions. En Afrique, quand on est homosexuel, on l’assume et on la subit, ou on le tait jusqu’à jamais. Au point où, l’homophobie est un sentiment partagé.

Absence de virilité des hommes, sorcellerie, mauvais esprit, passage obligé pour devenir riche ou pour avoir beaucoup de pouvoirs, tous les stéréotypes y passent dans ces sociétés où, le moindre acte taché d’un strict minimum d’anormalité est souvent d’ordre spirituel. Chez certains chrétiens, du fait que les relations sexuelles entre deux hommes soient aussi considérées dans la Bible comme immorales incite les évangélistes à scruter l’homosexualité comme un comportement purement satanique.

D’autres voient en l’homosexualité, un malaise introduit dans les sociétés africaines par les médias, surtout la télé. Mais pour nombre de chercheurs, l’origine de l’homosexualité en Afrique ou ailleurs, n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours existé. Elle a pour autant connu une propension fulgurante dans les centres carcéraux et les couvents.

« Pure Abomination »

Dans beaucoup de pays africains, la loi contre l’homosexualité est rédigée presque avec les mêmes mots.

Considérée alors comme résidu du colonialisme, l’homosexualité est traitée comme un délit voire un crime. Entre cause maléfique et biologique, les homosexuels sont parfois vus en Afrique en rapport avec une volonté des Occidentaux de réduire le taux de natalité.

En effet, les gouvernements postcoloniaux se sont appuyés sur cet héritage pour consolider la criminalisation de l’homosexualité en Afrique. Ainsi, au Sénégal par exemple, l’article 319 du Code pénal adopté le 21 juillet 1965 condamne à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 à 1 000 000 de francs CFA (de 150 à 1 500 euros) les personnes présumées homosexuelles ; tant, il faut le préciser, si la vie privée peut être du ressort de la famille, la morale publique est du ressort de l’État. Cette interdiction s’exprime de façon explicite, soit par un biais plus implicite : la condamnation de la sodomie.

Selon l’association Africagay, 38 des 84 pays ayant des législations interdisant des rapports sexuels entre personnes de mêmes sexes sont africains.

Au Zimbabwe par exemple, un gay encourt une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans de travaux forcés. Même situation en Ouganda, où l’actuel Chef d’État, Yoweri Museveni a demandé publiquement en 1999 à la police l’emprisonnement de tous les gays. Au Nigeria, précisément dans les 12 États du Nord, la situation est encore plus difficile du fait de l’application de la loi coranique qui prévoit la peine de mort. Tout comme en Ouganda.

Frein à l’aide publique des pays récalcitrants

Entre homophobie et discrimination raciale qu’ont connue les États-Unis par le passé, l’ancien président américain, Barack Obama avait trouvé juste comparaison, quand son successeur, Donald Trump lui, parait de ce point de vue beaucoup plus « humaniste » aux yeux des Africains, en s’affichant contre le mariage pour tous.

Mais, alors que l’homosexualité ne semble pas avoir un avenir clair en Afrique, légalement bien-sûr, la pression des puissances occidentales n’est pas à négliger. En effet, l’homosexualité reste un point de discorde entre les dirigeants africains et les puissances pourvoyeuses du continent noir. Alors que la majorité des pays africains répriment l’homosexualité, les États-Unis affirment toujours leur volonté de faire fléchir l’Afrique en utilisant comme arme, les incontournables institutions de Brettons Woods. De ce fait, associant la pénalisation de l’homosexualité au non-respect des Droits de l’homme, nombre d’aides se refusent aux pays africains.

Homosexualité, halte ?

Beaucoup de religions voient d’un mauvais œil le « mariage pour tous ». En juillet 2015, après la tournée du président américain Barack Obama au Kenya au cours de laquelle celui-ci a réclamé l’égalité des droits pour les homosexuels, l’épiscopat africain s’est montré rébarbatif face aux vœux d’Obama. Des camouflets et des semonces ont alimenté la riposte. Il y était allé de qualifier la proposition du président américain tantôt d’« anti-humain » ou encore « d’impérialisme culturel ».

Si d’une part, les religions en Afrique condamnent à l’unisson l’homosexualité, d’autre part, il est aussi question des conséquences qui en découlent comme l’adoption d’enfants. En effet, l’église juge qu’il est quasi impossible aux homosexuels d’élever un enfant pour qu’il soit responsable dans la société.

« Nous vivons dans un monde où ces choses sont maintenant devenues presque acceptables. Cependant, ce n’est pas parce qu’elles sont acceptables qu’elles sont justes. », a signifié le Cardinal John Onaiyekan, l’archevêque d’Abuja lors d’une interview accordée à la News Agency of Nigeria.

Même son de cloche chez les prêtres traditionnels. Ceux-ci la prennent également comme non conforme aux valeurs religieuses et donc, passible de « courroux des dieux ». Un prêtre avait expliqué qu’en réalité, l’homosexualité affaiblit et « tue » les dieux de fécondité.

Cependant, il n’y a pas que la morale religieuse qui attaque l’homosexualité. Barack Obama, au nom de la liberté, a clamé la situation des homosexuels en Afrique. « Quand vous commencez par traiter les gens différemment parce qu’ils sont différents, vous vous engagez sur un terrain où la liberté s’érode », avait-il déjà déclaré en 2015, lors de sa venue dans son Kenya natal. Mais ce postulat ne semble pas préoccuper les dirigeants africains.

Lors de cette tournée, le président hôte Uhuru Kenyatta n’avait pas prêté attention à la proposition du président américain. Il n’en a guère fait un sujet, puisque selon lui, « il y a des choses que nous ne partageons pas, que nos cultures et nos sociétés n’acceptent pas. » Bien avant, le président zimbabwéen Robert Mugabe avait alors quant à lui ironisé la situation aux dépens de l’homosexualité en déclarant qu’il est nécessaire qu’il se rende à Washington, qu’il se mette à genou pour « demander la main » d’Obama.

L’île Maurice et l’Afrique du Sud, les bons élèves

Sur le continent, il n’y a pas que les institutions étrangères qui luttent pour la liberté des homosexuels. Contre vents et marées, des associations de défenses des droits des homosexuels naissent également, principalement à Maurice, en Afrique du Sud ou encore au Zimbabwe. En 2007, suite à un atelier à Ouagadougou, l’association française AIDES crée l’Africagay, une association visant à informer sur le droit des homos. Dans certains pays, ces genres d’associations sont légion. En Côte d’Ivoire, après la crise de septembre 2002, la capitale était devenue une ville où les homosexuels peuvent s’afficher sans grande crainte.

Dans cet état d’interdiction presque généralisée, l’Afrique du Sud est l’un des rares pays du Sud, avec les îles Maurice, à célébrer la Gay pride, journée de la fierté homosexuelle. Toutefois, le chemin est encore long.

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