Accueil Economie Intégration: pourquoi la CEDEAO devrait-elle s’inspirer de l’empire du Ghana et du Mali?

Intégration: pourquoi la CEDEAO devrait-elle s’inspirer de l’empire du Ghana et du Mali?

10 min de lecture

Des chercheurs des universités de Westminster, de Bardford et de Leeds ont travaillé sur les conditions dans lesquelles la sous-région ouest-africaine peut favoriser son commerce afin de mieux se développer.

Il s’agit respectivement de Karen Jackson, David Potts et Assa Bah. Ces derniers sont spécialisés en économie du développement et en évaluation de projet. Selon eux, le rêve d’intégration de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ne sera réalisé que si les obstacles institutionnels au commerce sont abordés. Ces obstacles portent sur une mauvaise protection des routes commerciales, une faible application, le fait que les commerçants ne connaissent pas leurs droits et comment porter plainte, et l’absence d’une monnaie commune dans la région. Les chercheurs reconnaissent que la Communauté s’est déjà appuyée sur des ententes pour atteindre ses objectifs d’intégration.

Mais cela ne suffit pas. « La CEDEAO doit fonctionner au-delà des accords de bureau et de papier. Il doit établir des opérations physiques aux points de frontière », expliquent-ils. Comme solution, les universitaires démontrent que les dirigeants de la sous-région doivent apprendre de l’histoire – à la fois ancienne et récente. Ils indiquent que les décideurs concernés par l’approfondissement de la CEDEAO devraient remonter dans le temps pour les institutions commerciales régionales en Afrique de l’Ouest. À ce titre, ils font référence aux empires qui ont existé dans cette partie de l’Afrique. En effet, l’ouest du Soudan a connu trois empires majeurs – le Ghana, le Mali et le Songhaï – d’environ 790 à 1650 apr. J.-C.. Des empires qui couvraient la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest actuelle et, dans une certaine mesure, définissaient l’histoire précoloniale de la région.

Coopération

Karen Jackson et ses collègues rappellent que les trois empires ont jeté les bases des normes régissant le commerce régional. « L’Empire du Mali – qui a succédé et absorbé l’Empire ghanéen – a adopté les taxes d’importation et d’exportation qu’il a trouvées. Les empires du Mali et du Songhaï – à travers le consensus, la confiance et la coopération – ont subsumé plus de 24 rois inférieurs sous leur autorité », affirment-ils. Les chercheurs rappellent dans leurs études l’instauration de taxes et institutions commerciales par ces empires et l’existence de la charte Mande qui garantissait une paix sociale et un climat de confiance dans les coopérations entre empires, clans ou royaumes. Les coquilles de cauris, l’or, le cuivre et des manillas qui servaient de monnaie ont fait prospérer le commerce dans la sous-région. Pour les universitaires, comme c’était le cas pour l’empire Songhai, les conflits internes et le repli sur soi ne peuvent pas favoriser le développement des institutions commerciales en Afrique de l’ouest.

Dans le chamboulement de l’équilibre commercial de la sous-région, les chercheurs rappellent le colonialisme qui a conduit à une structure de production qui a servi l’international plutôt que régional. « Les Européens s’intéressaient aux flux commerciaux entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, où l’Afrique de l’Ouest fournissait les matières premières pour les produits manufacturés », expliquent-ils. À l’époque coloniale, les contrats étaient appliqués et les différends réglés de la même manière que la période de l’Empire. Les chefs à l’époque coloniale ont communiqué la valeur de la monnaie coloniale aux habitants et leur ont appris comment éviter l’exploitation.

Informer et punir

Image result for ashanti warriors empire

Les chefs étaient synonymes aux représentants dans les provinces pendant l’empire. « Mais la protection des routes commerciales était plus standardisée et mieux appliquée pendant l’empire que pendant la période coloniale », soulèvent les universitaires. Ils conseillent ensuite ceci : « Tout comme les armées royales patrouillaient les routes commerciales et les fonctionnaires royaux dans les provinces surveillaient les arrangements pendant l’empire, la CEDEAO doit déployer du personnel pour patrouiller les routes commerciales et placer du personnel aux points frontaliers pour surveiller le commerce ».

David Potts et ses collègues déclarent que l’empire et les époques coloniales offrent une étude de cas pratique pour l’Afrique de l’Ouest pour avoir la certitude qu’une intégration profonde est possible. Ils déclarent d’ailleurs qu’une administration de style fédéral pourrait être une approche durable pour une intégration plus poussée. « L’Afrique de l’Ouest pourrait être regroupée en zones où chaque zone a un chef d’État élu par rotation. Mais il faudrait une volonté politique forte pour renoncer à la souveraineté nationale. Cela ne peut être envisagé que s’il peut être démontré que les avantages seraient supérieurs aux arrangements actuels », écrivent-ils.

Malgré tout, les chercheurs sont conscients des progrès qui sont réalisés. Comme l’entrée en vigueur en  2015 du tarif extérieur commun pour la région. Mais ils souhaitent que les institutions commerciales régionales telles que la monnaie commune, l’exécution des contrats et la protection des routes commerciales deviennent plus normalisées. « La CEDEAO doit utiliser les médias pour informer les gens de leurs droits. Il doit également être prêt à punir ceux qui harcèlent les commerçants et à inciter ses agents à réduire leur motivation à accepter des pots-de-vin », appuie l’un d’entre eux pour qui c’est la voie idéale d’arriver à une réelle intégration ouest-africaine.

Charger plus d'articles liés
Charger plus par Emmanuel Vitus
Charger plus dans Economie
Les commentaires ont été désactivés.