Accueil Culture Joshua Carl Ncube, cet humoriste qui hantait le sommeil de Mugabé, et réciproquement

Joshua Carl Ncube, cet humoriste qui hantait le sommeil de Mugabé, et réciproquement

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Alors qu’il n’avait que 1 an quand Robert Mugabe arrivait au pouvoir en 1980, Joshua Carl Ncube, qui se veut le «plus grand humoriste du monde», a utilisé l’humour comme un outil pour se moquer du gouvernement depuis plusieurs années.

L’année dernière, lorsque les ministres ont donné à Mugabe un fauteuil roulant pour se déplacer facilement dans son bureau, Ncube l’a comparé à celui utilisé par Charles Xavier dans le film X-Men des super-héros fictifs de Marvel. Et il n’était pas à son premier essai.

Ncube, pour qui « le rire une arme puissante », avait également croisé l’ancienne première dame Grasse Mugabé au personnage d’Olivia Pope, avide de pouvoir, dans la série politique Scandal. Il s’est moqué du transporteur national Air Zimbabwe, affirmant qu’il ne pouvait pas être attaqué par des terroristes parce qu’il n’avait même pas de programme régulier.

À travers ses routines de stand-up et son spectacle de fin de soirée, Ncube a passé plusieurs années à déplorer l’état de la nation, outre les capacités physiques et mentales du plus ancien homme d’État du monde.

Mugabé, la muse idéale

L’année dernière, à Victoria Falls, Ncube se préparait à se rendre au Malawi afin d’ouvrir un spectacle pour le comédien britannique Daliso Chaponda. Mais alors que les militaires plaçaient Mugabe en résidence surveillée et que les Zimbabwéens défilaient dans les townships zimbabwéens, Ncube observait une sorte de sa « date de péremption » approcher.

En effet, l’homme dont il utilisait les actions comme muse pour construire sa carrière était sur le point d’être destitué. Et malgré la nature historique du moment, c’était un coup à la carrière naissante de Ncube.

« Je n’ai littéralement pas fait de blagues pour ce spectacle que j’allais faire », a confié Ncube. Et d’ajouter, « j’ai réalisé que toute ma carrière de comédie était presque morte parce que toutes mes blagues étaient basées sur ma peur de Robert Mugabe [et] maintenant il n’était pas là. » De fait, la carrière de Ncube était basée sur la longévité de la présidence de l’ancien président zimbabwéen.

« J’aurais aimé l’explorer pendant encore trois ans, mais je ressens pour mon peuple plus que ce que je ressens pour ma comédie », a-t-il dit.

«Ncube doit mourir»

En 2016, cet humoriste a battu un record en réalisant 31 prestations en une semaine. Et comme il est devenu un personnage permanent dans les cercles comiques zimbabwéens, africains et mondiaux, la peur de la portée de Mugabe a toujours persisté. Le comédien a déclaré avoir reçu des menaces de mort voilées ou non, non seulement de la part des agents du gouvernement, mais aussi des hommes d’affaires et des membres du clergé.

En août 2017, quelques mois avant l’éviction de Mugabe, il a raconté ces peurs en parlant à TED Global à Arusha, en Tanzanie. « Mon sens de l’humour n’a rien à voir avec mon bonheur », a-t-il déclaré. Et d’ajouter, « c’est en fait un symptôme que j’ai peur. »

En effet, Ncube s’est inscrit avec succès dans le « laughtivisme » ou l’utilisation du rire comme outil d’activisme, une option en vent de poupe sur le continent africain. C’est ainsi que dans la Tunisie postrévolutionnaire, l’image d’un manifestant sans baguette a inspiré la création du personnage comique Captain Khobza (khobz faisant référence au pain en arabe) pour satiriser la domination économique de la classe dirigeante.

En Égypte, Bassem Youssef, généralement appelé le Jon Stewart d’Égypte, a produit des sketchs en se moquant de l’ancien président Mohamed Morsi et des Frères musulmans. Au Kenya, le spectacle de marionnettes XYZ continue de mettre en lumière l’élite politique corrompue. Et en Libye, des comédiens comme Milood Amroni pendant des années ont fait des blagues bien conçues sur Mouammar Kadhafi.

Après Mugabé, l’amnistie

Désormais, Ncube a l’intention d’aborder d’autres sujets dans son stand-up, et de les centrer autour de questions comme le tribalisme, la sexualité, la corruption, les préjugés sexistes, la maltraitance des enfants et la conservation. Mais il veut également rencontrer les autorités, y compris Mnangagwa lui-même, et discuter de la place de la comédie dans une période de changement.

« Nous devons coexister. Nous avons un rôle à jouer dans la vie de chacun » a-t-il dit, ajoutant que lui tout comme d’autres initiatives comme la sienne, « représentent une idée, une idée de la liberté ; liberté d’expression. »

En fait, pour vraiment attirer l’influence et inspirer une nouvelle génération, Ncube note qu’il faudra un redressement complet de l’entreprise. Cela inclura l’établissement de clubs de comédie à travers les villes du Zimbabwe dans le but d’aider à développer le circuit de la comédie, augmenter l’appétit pour la consommation de comédie, et attirer les talents régionaux, continentaux et mondiaux.

L’amélioration de cet écosystème aidera également Ncube à aider plus de gens à réussir dans l’industrie compétitive. Un résultat qui fera la fierté du Zimbabwe, promet-il.

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