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Liberté de presse en Afrique: une réalité à géométrie variable

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Noel Tadegnon

Est-on libre quand on est journaliste en Afrique ? Difficile de répondre de façon tranchée à l’heure où la liberté de presse est menacée sur le continent. Acquise de haute lutte dans certains pays, elle constitue un moyen de vitalisation des démocraties. Si plusieurs observateurs s’accordent à reconnaître une « évolution remarquable » pour les pays anglophones, ce n’est pas encore le cas pour certains États francophones.

Des journalistes sont encore interpellés sur des prises de position. Des organisations de professionnels de presse des pays ouest-africains à l’instar du Bénin, de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal dénoncent parfois les pressions que subissent les journalistes.


Nous n’avons jamais été inquiétés pour notre ligne éditoriale et les traitements que nous faisons des sujets


Parmi les pays anglophones, la Namibie reste un exemple. Le pays a réalisé des progrès en quelques années. Pour expliquer cette avancée du pays, Naita Hishoono, directrice de l’Institut namibien de la démocratie, évoque la solidité du cadre constitutionnel.

Le dernier classement de Reporter sans frontières le prouve. Classée premier pays africain en matière de liberté de la presse, la Namibie peut se targuer d’offrir à ses journalistes une bonne protection. « Nous n’avons jamais été inquiétés pour notre ligne éditoriale et les traitements que nous faisons des sujets », confirme un rédacteur en chef d’un quotidien.

Agressions et lois liberticides

Dans des pays comme l’Ouganda, les journalistes continuent de travailler dans « des conditions difficiles », selon l’Association des journalistes ougandais. Pareil en République démocratique du Congo et au Burundi où des journalistes sont parfois portés disparus et des radios privées fermées.

En Guinée, des journalistes ont même été tabassés fin octobre par des forces de l’ordre dans un poste de police. Les syndicats ont condamné un acte malheureux qui montre la « fragilité de la liberté de presse au Guinée ». Au Niger, le climat est favorable pour les journalistes. Sauf que parfois, les règles sont contournées pour nuire, explique un présentateur de journal télévisé.


Nous ne pouvons plus vivre un autre Norbert Zongo


Contrairement à la Tunisie où des lois liberticides et des agressions sur les journalistes sont dénoncées par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), le délit de presse a même été dépénalisé dans certains pays. Le Burkina Faso qui s’est basé sur cet acquis majeur a fait de la liberté de la presse une réalité.

« Nous ne pouvons plus vivre un autre Norbert Zongo », glisse un patron de presse en faisant allusion à l’assassinat du journaliste d’investigation. Au pluralisme s’est ajoutée une liberté de ton pour les journalistes qui profitent aussi, confie un éditorialiste, de la révolution d’octobre 2014 qui a mis fin à presque trente ans de gouvernance de Blaise Compaoré.

Soulagement en Gambie

Le constat est tout autre au Togo où la dépénalisation du délit de presse est pourtant une réalité. Même si les journalistes ne peuvent plus être emprisonnés, ils subissent régulièrement des pressions et même des menaces. Depuis 2005, plusieurs médias ont d’ailleurs été fermés dans le pays pour « des traitements tendancieux de l’information ».

Alors que le pays traverse une crise politique depuis fin août, des journalistes ont été agressés dans l’exercice de leur travail. Une situation que dénonce la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) qui appelle « à la protection des journalistes ».


C’est difficile de traiter ces sujets. Vous n’avez pas accès aux données. Mais on peut même vous demander d’arrêter votre enquête ou de modifier votre angle


En début d’année, Reporters sans frontières a classé le pays 80e  sur 180 pays au plan mondial. En Gambie par contre, la chute de Yaya Jammeh a mis fin à de longues années de terreur pour les journalistes. Au moins sur la forme, l’étau s’est desserré, reconnaît l’un d’entre eux. Des acteurs travaillent cependant à l’adoption de nouvelles lois qui doivent encadrer la liberté de la presse dans le pays.

La liberté de la presse fait face à de nouveaux défis. Outre la résistance qu’opposent les journalistes aux pressions, ils doivent désormais composer dans un univers médiatique avec des sujets portant sur le terrorisme. Dans les pays d’Afrique subsaharienne, les gouvernements sont de ce fait tentés d’influencer les traitements que réservent les rédactions aux questions de terrorisme.

« C’est difficile de traiter ces sujets. Vous n’avez pas accès aux données. Mais on peut même vous demander d’arrêter votre enquête ou de modifier votre angle », affirme un journaliste malien. Au ministère burkinabé de la Communication, l’on estime que les sujets de terrorisme doivent être traités avec tact. « C’est presque normal de rappeler un journaliste à l’ordre. Il y va de la sécurité du pays », ajoute un membre du cabinet.

 

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