Commodities Energie & Mines Environnement Togo: la difficile vie dans les sites d’extraction de phosphate [Grand Angle] Posté il y a 26 octobre 2017 12 min de lecture Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google+ Partager sur Linkedin L’exploitation du phosphate se fait dans plusieurs localités du pays. Mais les conditions de travail restent à améliorer. Reportage à Kpomé-Akadjamé, localités du sud-est Togo, qui abrite un site d’extraction. A une quarantaine de kilomètres au Nord-est de Lomé la capitale, se situe Kpomé, une zone de production de phosphate. « Il y a quelques années, une partie de ma famille a déménagé d’ici parce qu’on devait extraire du phosphate sur le sol. Ils étaient obligés de quitter », confie Agbéko, jeune conducteur de taxi moto de la localité. Cette situation, plusieurs familles l’ont vécue. Mais il faut dire qu’une fois déplacée, ces familles sont réinstallées sur d’autres sols. « C’est à Kpomé Tansi qu’ils habitent maintenant avec d’autres familles. On leur à construit une maison, un marché ». Mais à Dagbati, Apéyémé et Zéglé, la situation n’a pas été la même. Les populations ont dans certaines de ces localités refusé de quitter leur sol avant de céder. Ceux qui ont voulu résister disent « avoir reçu des menaces ». Ces populations déplacées n’ont pas toujours aussi été mises dans de bonnes conditions. « Elles ont été logées. On leur a fait des promesses qu’on peine toujours à réaliser », selon Agbeko.A Kpomé- Akadjamé, près du site d’extraction de Kpogamé, monsieur Attisso, 73 ans, qui a longtemps travaillé sur le site d’extraction minier confie : « Une fois que la décision de l’exploitation de votre sol est prise, l’entreprise vient avec ses géomètres pour les mesures nécessaires. On nous paie en fonction de la superficie de nos sols ». Le vieillard qui souffre aujourd’hui de problèmes d’audition avoue recevoir chaque trois mois une somme en contrepartie de son « sol récupéré ». Mais pour lui, de sérieux problèmes persistent. Des besoins prioritaires A Kpomé Akadjamé, la Société Nouvelle des Phosphates du Togo contribue t-elle au développement de la communauté locale ? « Nous demandons depuis à avoir une pompe d’eau mais ce n’est toujours pas le cas. L’électricité aussi, nous avons souffert avant de l’avoir », déclare monsieur Attisso. Pour lui, aucune raison ne peut expliquer cette situation d’autant plus que leurs besoins sont élémentaires. Un moyen d’approvisionnement en eau de bonne qualité et des WC bien construits. A ce jour, les habitants n’ont à leur disposition qu’un puits pour leur besoin en eau. La localité est électrifiée depuis quelques années avec un CEG et un dispensaire. Mis à part ces besoins urgents que sentent les habitants d’Akadjamé, ces derniers pensent surtout à leur progéniture. Mme Atama, revendeuse, s’interroge sur ce qui restera comme héritage aux futures générations. « On nous déplace de nos sols quand on veut, qu’aurons-nous à laisser à nos enfants ?». A Akadjamé, l’on a surtout l’impression de dilapider tout un héritage quand on « loue son sol pour l’extraction du phosphate ». Le fait est que ces sols pour la plupart, ne sont pas restaurés après l’extraction du minerai. Résultat, de grands trous béants restent présents sur les sites. Des collines de sables et même des déchets peuvent être perçus près des lieux d’extraction. « C’est incompréhensible. Sur le site de Hahotoé, ils ont l’habitude de remblayer les trous. Ici ils ont commencé par le faire. Mais entre temps, ils ont cessé », confirme Henri, ouvrier habitant à Akadjamé. Difficiles conditions de travail Pour le déplacement de ses ouvriers, la SNPT a mis à leur disposition ses pick-up et aussi des bus loués. Des moyens de transport qui « ne sont pas toujours en bon état », selon les ouvriers. Tout près du site d’extraction, des bruits assourdissants de machines se font ressentir. « C’est comme ça tous les jours. Cela dérange beaucoup. Mais nous ne pouvons rien », confie Monsieur Mensah, délégué des ouvriers. Avant de relever un autre problème sur le lieu de travail : la poussière. « C’est parce qu’il a plu cette semaine qu’elle a un peu diminué. La poussière rend parfois la vision floue sur le site. Il arrive même qu’à une dizaine de mètres, tu ne vois pas ton prochain. La poussière agit beaucoup sur notre santé. Avant, je ne portais pas des verres. Ce n’est plus le cas maintenant puisque ma vue à depuis un bon bout de temps, quelques problèmes ». Ce dernier poursuit : « par exemple, il y a risque qu’un engin vous renverse quand la vision sur le site n’est pas au top ou que des accidents de travail soient fréquents. Nous travaillons beaucoup. Nous méritons de meilleures conditions.» Les conditions de sécurité sur le site ne seraient-ils pas bien réunies ? Pour le délégué des ouvriers, « un effort reste à faire ». « L’entreprise a quand même fait un pas positif en nous assurant à 80%», laisse-t-il entendre. Une lutte organisée ? Au nombre de 1581, les ouvriers de Kpogamé déplorent le manque de tenue de travail, de chaussures de sécurité. « Nos textes le disent. Après chaque 18 mois, notre employeur devrait nous doter de tous ces matériels », affirme Fréderic, ouvrier compteur-pelle depuis plus de dix ans. Pour ce quadragénaire, les conditions de travail sont « difficiles ». « Les conditions que nous vivons nous tuent peu à peu. Quand je suis au travail, je me sens inquiet. C’est quand je suis au repos ou en congé chez moi à la maison que je me sens à l’aise ». Les ouvriers ont, en effet, chaque semaine un jour de repos et dans l’année, un mois de congé. Frédéric évoque même certains de ses amis ouvriers qui ont abandonné. « Ils ont raccroché. Certains, parce qu’ils ne pouvaient plus. D’autres, parce qu’ils avaient trouvé mieux ailleurs. » En 2003, quand Henri a commencé par travailler comme ouvrier occasionnel sur le site minier, il recevait 15000 francs CFA comme salaire à chaque fin de mois. Actuellement, il touche moins de 200000 francs CFA. Un salaire qu’il estime infime, comparé au travail qu’il fournit tous les jours. Des ouvriers qui pensent la même chose que lui sont légion. Pour eux, leurs responsables de syndicat « ne défendent pas bien leurs droits auprès des autorités». Un avis que ne partage pas le délégué Mensah qui affirme faire avec ses autres collègues le maximum d’effort qu’il faut. En octobre dernier, le syndicat des travailleurs a observé une grève de 48 heures pour différentes revendications. Il estime ne plus avoir confiance en la direction générale de la SNPT.