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Ajegunle: le Nigeria numérique bouillonne!

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Dans le premier article de notre série consacrée à la révolution 2.0 au Nigeria, nous avons dressé le portrait de Gbenga Sesan. Il est l’un des pionniers de l’inclusion numérique au Nigeria. De Lagos en passant par Kano, Abuja et Aba, Afrotribune revient sur les origines de Paradigm Initiative et les pas de géants que pose l’ONG dans ce pays de 170 millions d’habitants.

En 2007, l’ingénieur Gbenga démissionne de l’une des plus grandes entreprises florissant du Nigeria pour entamer sa croisade à Ajegunle. Ce est le plus vaste et le plus peuplé des bidonvilles de la mégalopole. Ils sont près de 500 000 personnes entassés dans les maisons en brique ou les taudis en bois qui s’étalent en rangs serrés sur des dizaines de kilomètres. Coincé entre une bretelle d’autoroute et les infrastructures portuaires vieillissantes du port d’Apapa, Ajegunle représente le Nigeria en miniature.

La seule évocation du nom de ce quartier rappelle l’histoire de Sodome et Gomorrhe. Un sauve-qui-peut pour la survie. Ce quartier d’habitats précaires, insalubre et pauvre, – désigné sous le terme générique de « slum » en anglais -, amasse les vices de la capitale.

Au prime abord, on pense évidemment au célèbre ouvrage de Louis Chevalier (1958) et de sa thématique « classes laborieuses, classes dangereuses », devenue un lieu commun de la réflexion sociale et politique jusqu’à nos jours. Les élus locaux le reconnaissent à mots couverts : les efforts de modernisation d’Ajegunle se sont concentrés sur le centre des affaires et les ilots sécurisés pour riches Nigérians et expatriés fortunés. Le choix d’Ajegunle pour lancer les initiatives de Paradigm Initiative n’est pas anodin.

Ce quartier vétuste accueille chaque semaine des centaines de nouveaux citadins débarqués du nord du pays ou des États voisins. C’est ici que se concentre la majorité des familles défavorisée de la capitale commerciale. Ils sont commerçants, vendeurs des rues, chauffeurs de taxi, vulgarisateurs, bricoleurs, débrouillards et chômeurs. Leurs enfants n’ont pas accès à une éducation et ce qui tente l’aventure lâche peu avant la fin du secondaire. Gbenga Sesan et son équipe ont doc misé sur ces jeunes.

Redonner espoir aux familles pauvres grâce au numérique

Ici et là, des programmes de formation ont été lancés. Plusieurs centaines de jeunes passent leurs journées et vacances à s’initier à la lecture, à l’informatique, à l’entrepreneuriat et des formations en développement personnel. Ce premier centre de Paradigm Initiative a contribué à former environ 40 étudiants chaque trimestre depuis son installation dans le quartier.

En cette fin d’été 2018, notre équipe a eu l’occasion d’assister aux cours d’apprentissage d’une trentaine d’étudiants. Ils rêvent tous d’une vie meilleure après la formation et ne tarissent pas d’éloges sur les changements que le centre apporte déjà dans leurs vies.

« Nos formateurs sont très pédagogues et leurs explications sont très claires. Nous faisons beaucoup de travaux pratiques. Cette formation m’a apporté une bonne pratique de l’outil informatique. La formation est bonne et je la recommanderai volontiers à d’autres personnes. J’ai trouvé, qu’on a beaucoup appris sans faire beaucoup d’efforts » confie Okafor Flavor, 17 ans.

Avant d’ajouter « je compte informatiser et donner une visibilité à l’entreprise de ma mère sur internet. Je compte lui créer un site web, des emails-professionnelles et aussi lui donner une forte présence sur les réseaux sociaux pour augmenter sa clientèle et par ricochet ses revenus. »

« Paradigm Initiative m’a donné espoir et je suis désormais convaincu que quand je serai à l’université l’année prochaine, je pourrais utiliser mes connaissances acquises dans ce centre pour décrocher des jobs étudiants dont les revenus serviront à financer mes études de Droit. Je rêve de devenir avocate pour défendre les centaines de “sans voix” qui croupissent dans les prisons nigérianes, » a-t-elle ajouté.

Comme Okafor, la plupart des jeunes chassés par la misère des campagnes et attirés par les lumières de la mégalopole rêvent de continuer leurs études après cette formation. Pour ces derniers, la formation de Paradigm initiative est un éclairage et une fondation pour leurs métiers d’avenir. « Je rêve de devenir ingénieur de systèmes d’informations.

Je veux marquer l’histoire comme l’ont fait Paul Allen, Bill Gates et Steve Jobs. Je veux régler les problèmes sociétaux du Nigeria à travers la technologie, » révèle Esego Chibueze, 18 ans. Le jeune garçon qui vient tenter sa chance en ville après ces études secondaires dans son village natal ajoute : « beaucoup de choses ont changé dans ma vie depuis que je suis ici [Paradigm Initiative, NDLR].

J’ai touché à l’ordinateur pour la première fois dans ce centre. Je maitrise désormais l’outil informatique et la rédaction de projets. Je suis convaincu qu’après la formation, je trouverai un travail qui pourra me permettre de financer mes études. »

Au-delà de l’informatique, changer les mentalités

À Ajegunle, on y parle une centaine de langues différentes des 32 États du pays. On prie Dieu et Allah. On survit au quotidien grâce à son étal de poisson ou son salaire de transporteur, insensible au soleil accablant ou aux odeurs des eaux puantes. Ici, l’on trouve la vie très simple et toutes les situations comme une volonté des « dieux ». « Il n’est pas rare de voir des familles avec 10 enfants entassés dans des kiosques et taudis jusqu’à l’âge adulte.

Pour la plupart de ces parents, c’est Dieu qui donne les enfants et on n’a pas besoin de mesures contraceptives pour empêcher les naissances, » regrette Abiodun Kelani, Pasteur pentecôtiste installé dans le quartier depuis bientôt de 40 ans. Pour ce leader religieux, il est très important que le gouvernement appuie les actions de l’ONG Paradigm Initiative dans le quartier.

Selon Kelani, plusieurs centaines des jeunes que le centre a formés sont devenus des modèles de réussite pour les autres. Mais regrette que le nombre de bénéficiaires reste une goutte d’eau dans la mer, vu les milliers de jeunes oisifs qui vadrouillent à longueur de journée. « Ils sont exposés aux vices notamment la drogue, » déplore le Pasteur.

Convaincu de l’impact du centre sur les jeunes, le pasteur sensibilise ses fidèles à envoyer leurs enfants. Plusieurs anciens étudiants du centre sont aujourd’hui entrepreneurs, formateurs et employés dans plusieurs entreprises locales et firmes multinationales. C’est le cas Iorah Miracle, formée dans le centre d’Ajegunle en 2015. Elle continue ses études en science politique à la prestigieuse Université d’Ibandan, au sud-ouest du Nigeria, après plusieurs stages à Lagos.

Entre optimisme et espoir, Paradigm Initiative écrit les pages du Nigeria numérique. A suivre…

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