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Internet, le nouveau terrain de chasse des marabouts et pasteurs africains

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Tout comme le christianisme qui demande à ses pratiquants de faire de toute la terre des fidèles, les marabouts et les charlatans ont également trouvé en l’internet, l’outil idéal pour répondre à ce même besoin. Le marketing religieux est intéressant.

Facebook, Twitter, You Tube, Whatsapp… Quand la religion s’invite dans le digital, la bataille du marketing devient impressionnante. L’Église catholique en sait bien de choses. Preuve de l’intérêt de l’Église catholique pour les réseaux sociaux, le pape Benoît XVI leur consacre souvent, et ce depuis janvier 2011, des exhortations quotidiennes. Le souverain pontife profite de ces canaux pour inviter les chrétiens à être présents sur les réseaux sociaux et à y faire preuve d’une « créativité consciente et responsable ».

En effet, depuis la «démocratisation» de l’internet, l’outil est devenu la proie de tout genre de marketeurs. Les entreprises ont trouvé l’élément clé, qui jusque-là manquait à leur plan de communication. Et le taux de pénétration des téléphones et de l’internet est à leur avantage. Depuis, créer une page Facebook, une chaîne sur YouTube, un compte Twitter, Instagram n’est plus qu’un élément de tendance. Au contraire. L’internet est désormais un vaste safari pour tout genre de recherches de clients


Etre présents là où sont les gens


À l’instar des communautés de l’Église catholique, « être présents là où sont les gens » est la raison principale des multiples pages de communautés de marabouts qui fleurissent. Véritable caisse de résonance, Facebook leur offre en effet l’opportunité de rejoindre des internautes qui ne fréquentent pas leurs domaines, d’être aux sous les yeux de ceux qui rejettent leurs pratiques, notamment les jeunes. Ces réseaux sociaux leur permettent d’aller à la rencontre des potentiels clients. Pour la fin de les transformer en fidèles, tous les moyens sont bons.

Le digital au service de la foi

Ils sont aussi, ces charlatans et les marabouts, des férus du marketing digital, parfois, un peu de trop. À la différence des pasteurs par exemple qui se taillent à chaque occasion leur part sur internet, et des églises qui ont parfois des communities managers, les charlatans et marabouts utilisent tous les moyens à leurs dispositions pour être présents. Des faux comptes, des canulars… tant, l’essentiel est de faire passer le message fondamental : le service, la localisation et les contacts.

Au Togo par exemple, cette nouvelle forme de marketing religieux s’est démocratisée avec la restriction aux herboristes, charlatans ou des prêcheurs des sciences occultes de l’accès aux médias. Si en effet cette restriction n’est pas actuellement strictement appliquée, elle aura quand même participé à inciter ces acteurs à la recherche d’autres horizons pour la promotion de leurs services, ou leur self-promotions. Ils ont vraisemblablement trouvé en Internet, à la fois le média presque gratuit, et la plateforme rassemblant l’idée de cible.


 Les gens nous suivent de moins en moins à la radio ou à la télé. Ils en ont surement marre de nos exploits racontés pendant 1 h. Mais avec l’essentiel du message en annonce sur Internet, ça passe.


Désormais, on assiste sur la toile, à la création des sites professionnels des charlatans, des chaines Youtube pour les vidéos de prêches, des Live sur Facebook et même des publicités Google. Nombreuses sont ces annonces qu’on retrouve sur le moteur de recherche en tête des requêtes, ou encore des displays sur des sites web. À savoir si cette nouvelle manière de faire est rentable, un marabout confie que depuis qu’il a décidé d’explorer la nouvelle option de l’internet, il a enregistré beaucoup plus de visiteurs ayant vu ses annonces sur Internet que quand il investissait chèrement dans les médias comme la télé et la radio. « Les gens nous suivent de moins en moins à la radio ou à la télé. Ils en ont surement marre de nos exploits racontés pendant 1 h. Mais avec l’essentiel du message en annonce sur Internet, ça passe ».

De ce fait, la chasse et la concurrence entre les sauveurs d’âmes sont impressionnantes sur Internet. Mieux, la contre-offensive lancée par les prophètes traditionnels semble intéresser. Et même si les utilisateurs d’Internet ne manifestent clairement pas un engagement à l’endroit de ces genres d’annonces sponsorisées comme le fait-on avec des extraits de versets bibliques ou les vidéos de pasteurs, la réalité n’est pas tout à fait telle. « Quand je post mes annonces sur Facebook, je n’ai que très peu de likes. Mais ce n’est pas l’essentiel. Les gens hésitent à liker, commenter ou partager mes posts, par honte que Facebook ne le notifie à leurs amis. Mais ils viennent chez moi quand même quand ils ont des problèmes. C’est ça l’objectif » a confié un guérisseur traditionnel vivant dans une ville périphérique de Lomé.

Le socialement correct qui met les religions modernes tels le christianisme ou l’Islam dans la stricte catégorie de bienséance en est pour beaucoup de choses. Au Togo, fréquenter les couvents traditionnels ou être pratiquant d’une autre religion que les communs christianismes et l’islam est mal vu, voire condamné dans les sociétés. Dès lors, il n’est pas toute à fait facile de mesurer l’impact de leurs présences sur Internet. Car en matière de charlatanisme, l’hypocrisie n’est pas un péché.

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