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Au Togo, le chômage chez les jeunes crée des exilés 

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Au Togo, la question du chômage des jeunes est l’une qui sous-tend les revendications actuelles de l’opposition. Autant la problématique est importante, autant les courroux en l’encontre des autorités, voire l’envie de renverser la tendance est quasi irrésistible.

Dans une généralité presque écrasante, surtout caractéristique des pays francophones, l’épineuse question du chômage des jeunes est la source de beaucoup de maux sociétaux. Au Togo, les statiques (rarement actualisées) le prouvent assez facilement.

Situation délicate

En 2011, selon certaines enquêtes, le chômage au Togo touchait 6,5 % de la population active et le taux de sous-emploi visible était de 22,8 %. Selon la tendance, beaucoup plus de jeunes femmes sont en situation de sous-emploi que les jeunes hommes de la même tranche d’âge avec des taux respectifs de 22,9 % contre 17,73 %. Et selon les prévisions qui en sont découlées, chaque année, en moyenne 40 000 nouveaux demandeurs d’emploi arrivent sur le marché du travail. Depuis, la mise en place des plateformes de concertation entre l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre le chômage des jeunes, avec pour ambition de trouver les meilleures solutions… presque en vain.

Dans un plus récent rapport publié par la Banque Mondiale, au tout début de l’année 2014 sur la situation de l’emploi des jeunes en Afrique Subsaharienne, on y note que le chômage des jeunes n’est que de 3 %. La situation sous régional semble meilleure comparativement à celle du Togo où le taux de chômage s’évalue à 6,5 %. Mais cette situation va être de plus en plus inquiétante, si rien n’est fait par rapport à l’augmentation de la population jeune.

La question est d’autant plus préoccupante que la tranche d’âge concernée, entre 15 à 35 ans, représente plus du tiers de la population togolaise, soit un peu plus de 2 millions de personnes selon les statistiques. Une situation qui pousse bien de jeunes Togolais à migrer vers les pays voisins, ou encore les États-Unis et l’Europe pour un mieux-être.

Exilés économiques

Cette situation du chômage ne saurait être dissociée des raisons de la forte mobilisation des jeunes au cours des manifestations organisées par l’opposition politique au Togo depuis août 2017. En effet bien de jeunes sont beaucoup plus motivés par la situation de précarités, de pauvreté et de chômage, que par des raisons politiques. Un analyste politique confie que peu de personnes dans la rue assimilent la question constitutionnelle, mais l’engouement autour des évènements du groupe des 14 est favorisé par un ras-le-bol général. Un besoin d’alternance, lueur d’espoir de changement.

Mais ce problème se manifeste autrement aussi, surtout par la migration vers d’autres pays de la sous-région, notamment le Ghana.

En réalité, le Ghana, pays où l’économie a décollé il y a désormais près d’une décennie est l’une des destinations des jeunes togolais chômeurs. S’il est vrai que la vie y est relativement chère, l’on n’y souffre moins de problème de pauvreté, car, explique un jeune expatrié togolais, « on peut y gagner sa vie juste en étant artisan ». Sans doute pas faux. Selon les sondages, près de 40 % des travailleurs en artisanat au Ghana principalement à Accra proviennent du Togo et environ 70 % d’entre eux sont prêts à rentrer au Togo en cas de changement de régime politique. À en croire Kwasi, un tisserand d’origine togolaise établi dans le pays voisin depuis bientôt 5 ans, le marché artisanal ghanéen est plus « intéressant » que celui togolais. « On écoule beaucoup plus facilement les produits au Ghana qu’au Togo. Et ce critère est très déterminant dans la vie d’un artisan », ajoute celui-ci.

Entre formations, népotisme et tribalisme, l’administration publique inaccessible

Dans une analyse faite pas l’économiste et conseiller du Chef de l’État togolais Koffi Sodokin, cette situation peut s’expliquer par le fait que tous les jeunes qui ne sont pas en emploi ne sont malheureusement pas pour autant en éducation ou en formation. Selon celui-ci, nombreux sont ceux qui sont au chômage, voire inactifs, une catégorie qui est en situation de grande précarité et rencontre les plus grandes difficultés d’insertion dans l’emploi.

En dehors cette cause, bien de spécialistes pointent du doigt la question de l’inadéquation entre les formations proposées et le marché dynamique et sans cesse soumis aux principes de l’innovation de l’emploi. D’autres font également allusion à la disponibilité des formations pour ces métiers innovants, conduisant à une nécessité des réformes éducatives au Togo. Mais le problème ne se résume pas là. Il est également souligné au sein de l’administration togolaise, un tribalisme et un népotisme qui atteignent le paroxysme. Cause d’une administration hermétique aux méritants. Et pour les concours d’entrée en fonctions publiques, dans la grande majorité des cas, les dés sont pipés à l’avance.

Et s’il est vrai que l’État togolais a mis sur pied un certain nombre de mesures pour régler la difficile équation de l’emploi des jeunes, il faut également souligner que ces mesures sont loin d’éradiquer le mal. Et les mesures d’immigrations comme le programme de loterie visa des États-Unis sont une « aubaine » pour une grande partie de jeunes désirant quitter le pays. En vrai, des jeunes en quête de ces opportunités sont légion…

 

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