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Diplomatie: retour sur les périples des présidents français en Afrique

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Après s’être rendu au Burkina Faso le 28 novembre pour rencontrer son homologue et s’adresser aux étudiants de l’université de Ouagadougou, Emmanuel Macron a participé au sommet UA-UE à Abidjan pour finalement chuter à Accra, dans la capitale ghanéenne. Si cet exercice presque inévitable pour les Chefs d’État français a été accompli par Macron avec aisance, cela n’a toujours pas été le cas pour ses prédécesseurs.

C’est n’est pas la première fois que Macron donne le ton de sa vision franco-africaine. Mais son passage en Afrique, continent qui a avec la France un cordon difficile à couper, reste une étape importante aux yeux des Africains. En effet, sur le continent noir, depuis le soir de son élection les Africains ont attendu l’opportunité de le voir dire des « vérités ». En quelque sorte, l’Afrique a été servie.

D’abord, dans son discours de 1 h 40 min tenu à Ouagadougou suivi d’un échange avec des étudiants burkinabés dans la salle Kadhafi de l’Université Joseph Ki-Zerbo, Macron avait déjà abordé l’essentiel de ses ambitions pour le continent. Il s’était agi avant tout d’une opération séduction, où les phrases étaient bien pensées. « Ce public n’a pas forcément une bonne image de la France », reconnaît-il, en faisant allusion à la chute de Blaise Compaoré que la France a exfiltré vers la Côte d’Ivoire après son départ du pouvoir en 2014. Mais le pays des hommes intègres attend aussi de l’ancienne métropole, l’extradition du frère de l’ex-président, François Compaoré, objet d’un mandat d’arrêt international pour l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998.

La France, malgré tout partenaire naturel de l’Afrique, s’est vue réduits ses échanges avec le continent où sa part s’est considérablement cassée ces quinze dernières années, ne représentant plus que 4 %. Au même moment, la Chine qui a grimpé à 22 %, a le vent en poupe. À cet effet, la visite du président s’est inscrite aussi dans un contexte très économique. Ce qui justifie son passage au Ghana, pays anglophone, mais dont l’économie est de plus en plus florissante dans la sous-région. Mais pas que. La politique était bien évidemment au rendez-vous.

À Ouagadougou, Macron a axé son discours sur le leadership de la jeunesse africaine. Dans la capitale burkinabè où l’esprit sankariste est le mieux partagé, et où il y a trois ans la population a dû reprendre son destin longtemps confisqué par Blaise Compaoré, Macron a dû tailler ses mots entre éloges et appel à vigilance. Le jeune Chef d’État n’a pas caché son hostilité envers les régimes politiques qui s’opposent à l’alternance en Afrique. Mais la question libyenne fut également abordée, de long en large.

Interrogé à Ouagadougou, Macron a fait la précision selon laquelle ceux qui organisent les trafics humains en Libye sont aussi des Africains. Néanmoins, il avait annoncé que des mesures urgentes devraient être prises. À Abidjan, Jupiter s’est entretenu avec ses homologues africains, notamment le professeur Alpha Condé, Chef d’État guinéen et président en exercice de l’Union africaine. Il a été décidé de mener des opérations d’évacuation d’urgence dans les prochaines semaines des migrants en Libye. De même, l’UE, l’UA et les Nations unies ont décidé d’un soutien à l’Office international des migrations pour aider au retour des Africains qui le souhaitent vers leur pays d’origine.

Sur la question portant sur le franc CFA, Macron aura laissé une impression presque neutre, pour ceux qui attendaient de cette tournée un signal fort pour l’avenir de cette monnaie « coloniale » de laquelle certaines populations veulent se libérer. Selon celui-ci, le franc CFA, c’est un choix des États membres de la zone CFA. « Si le président burkinabé décide de ne plus y être, il n’y est plus.

Ce sont les États africains qui sont les maîtres de leur destin. N’ayez pas ce discours de revendication postcolonial, il n’y a pas de joug, il n’y a pas de Français qui utilise l’or du Burkina Faso. » Et d’ajouter ensuite, « j’accompagnerai la solution portée par l’ensemble des pays de la zone franc. Je suis favorable au changement de périmètre et au changement de nom. C’est les pays qui décident. C’est pour la France un non-sujet, mais pour vos dirigeants un vrai sujet. »

Mais il ne s’est pas empêché de revenir sur la question à polémique en Afrique concernant le nombre d’enfants pas femmes. « Partout où vous avez 7-8-9 enfants par femme, êtes-vous bien sûr que c’est le choix de ces jeunes filles ? » s’était-il interrogé, en précisant que c’était une conviction profonde qui l’a poussé à faire de l’égalité femmes-hommes « la grande cause » de son mandat.

 Afrique, la grande épreuve des présidents français

En Afrique où les chefs d’États français sont jugés à défaut afrophobes, c’est lors de l’inévitable passage sur le continent que bien d’acteurs leur collent les vraies étiquettes. Macron, lors de sa campagne électorale, imprimait déjà sa marque devant une candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen qui n’a pas une bonne cote sur le continent. Si le président français a fait l’effort de garder une neutralité et de chercher une grande familiarité avec les étudiants burkinabés, il a beau le ressasser ne pas venir donner de leçons aux Africains, mais le ton parfois autoritaire et condescendant sur certaines questions, du reste peu réfléchies, lui donne tort. Pour beaucoup, Macron est venu donner une leçon aux Africains, comme l’ont souvent fait ses prédécesseurs, notamment Nicolas Sarkozy, sans son discours à Dakar en juillet 2007.

 Nicolas Sarkozy s’était toujours attribué ce qu’on peut appeler l’abolition de la FranceAfrique… sans jamais réussir ni dans le fond ni dans la forme. Son intervention en Libye est un exemple, une erreur que Macron a avant tout, regretté devant les étudiants burkinabés. En 2007 deux éléments principaux ont écorné l’image de Sarkozy, et par ricochet celle de la France : la politique d’immigration du président et la « reconnaissance » en 2005 du rôle positif de la colonisation.

Dans son discours de Dakar précisément, écrit par Henri Guaino, dans lequel il avance que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire… Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance… » Sarkozy aura commis une erreur fatale aux yeux du parterre d’intellectuels africains présents au sein de l’Université Cheik Anta Diop ce 24 juillet 2007. Henri Guaino, auteur du discours fera ensuite l’effort de préciser tirer son inspiration de Sedar Senghor, qui avait écrit : « Laissez les peuples noirs entrer sur la grande scène de l’Histoire », mais c’était déjà trop tard. L’image Sarkozy est déjà maculée.

En 1990, alors que le Mur de Berlin venait de tomber il y a juste 1 an, Mitterrand s’était déterminé à participer à la construction de la démocratie sur le continent. Pour celui-ci, plus question de soutenir économiquement des dictatures, a-t-il affirmé lors du 16e sommet franco-africain. Mitterrand s’était déclaré froid à ces régimes qui abondent le continent. Mais celui-ci s’était également entaché dans l’assassinat de Sankara au Burkina Faso en 1987.

En août 1958, alors que la plupart des pays se battaient pour une indépendance, de Gaulle n’était arrivé au pouvoir que 3 mois qu’il a amorcé son périple de 20.000 kilomètres en Afrique. En réalité, il était en réalité question d’une tournée électorale dont l’objectif est de convaincre les peuples de l’Union de voter oui au référendum sur la nouvelle Constitution. Cette constitution prévoyait, entre autres, le remplacement de l’Union par une « Communauté » où chaque pays jouira d’une autonomie politique. « Il est naturel et légitime que les peuples africains accèdent à ce degré politique où ils auront la responsabilité entière de leurs affaires intérieures, où il leur appartiendra d’en décider eux-mêmes. » En fin de compte, seule la Guinée de Sekou Touré votera non, exigeant une souveraineté immédiate. Quatorze autres pays suivront plus tard. L’indépendance envers la France venait d’être acquise. Peut-être, juste dans la forme.

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