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Sénégal: ce qu’il faut savoir sur le nouvel aéroport Blaise Diagne

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Ce 7 décembre, à 47 km de la capitale sénégalaise Dakar, l’aéroport international Blaise Diagne ouvrait ses portes, après dix ans de travaux souvent interrompus. Retour sur ce nouvel aéroport sénégalais qui veut se veut beaucoup meilleur que l’aéroport Léopold Sedar Senghor de Dakar.

Émergence

Quand ce jeudi, à midi, l’avion du président Macky Sall venait de se poser sur le tarmac flambant neuf de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD), au Sénégal et principalement au sein du gouvernement, ce n’est pas qu’une simple inauguration ; c’est plutôt un tournant crucial, un « accélérateur de développement », un fleuron du plan Sénégal émergent, comme le veut-on. Changement d’entreprise chargée d’exécuter le projet, investissements discontinus, chantier enlisé, plaintes des concessionnaires, les embûches n’ont pas été absentes sur le chemin.

Blaise Diagne 

Le nouvel aéroport international a été baptisé Blaise Diagne, du nom du premier député africain noir élu au Parlement français en 1914. En réalité, jusqu’à cette date, les précédents députés noirs au parlement de la France étaient originaires des colonies françaises des Amériques. Le Sénégalais né sur l’île de Gorée en 1872 a également été le premier Africain sous-secrétaire d’État aux Colonies. Il doit sa renommée à sa volonté de faire participer pleinement les Africains à la politique française aussi bien durant la mise en place des structures coloniales qu’une fois ces dernières installées. Son important rôle important en faveur des droits des Africains engagés dans les troupes coloniales est aussi à relever.

Espace

L’AIDB s’étend sur 4 500 hectares. Mais seuls 2 500 sont aujourd’hui utilisés. Il a une capacité de 2 millions de passagers annuels, contre 1,9 million pour l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan désormais principal concurrent dans la sous-région. Actuellement, l’AIBD est capable d’accueillir le plus grand avion de ligne du monde, l’Airbus, l’A380, tout comme l’aéroport d’Abidjan. Afin de traiter jusqu’à 10 millions de passagers à l’horizon 2035, dans un avenir proche il est prévu que de nouveaux terminaux voient le jour.

Coût

Quand il inaugurait ce joyau, le président Macky Sall a bien une idée. Permettre au Sénégal de « rester dans le temps de l’action d’un monde globalisé où le progrès des nations se doit de relever les défis de compétitivité, de précision et de vitesse ». L’enjeu est clair : « devenir le hub aérien d’Afrique de l’Ouest ». Et cela un a coût. Estimés au départ il y a 10 ans à 200 milliards de francs CFA (305 millions d’euros), les investissements ont plus que doublé finalement pour atteindre 424 milliards de francs CFA (646 millions d’euros), à en croire les chiffres annoncés par Maïmouna Ndoye Seck, la ministre des Transports aériens ce 4 décembre.

Évolution

Après la pose de la première pierre en 2007 par le président Abdoulaye Wade, en 2012, date d’échéance initiale pour la livraison du projet, le taux d’exécution des travaux n’en était qu’à 12 %. « Le chantier était presque à l’arrêt en 2013 », se rappelle Abdoulaye Mbodj, directeur de l’aéroport. D’abord confié au le Bin Ladin Group, l’entreprise saoudienne de BTP, le projet ne sera finalement achevé qu’avec les Turcs de Summa-Limak, ayant pris maitrise des travaux en 2015.

Obstacles

Pour réaliser ce projet, trois villages ont été expropriés de leurs terres. Il s’agit de Mbadat, Kathialick et Kessoukhatt, faisant au total 2 500 habitants en tout. Mais ce processus de dépossession des terres aux habitants de ces villages n’a pas été simple. Alors que les résidents des deux premiers (Mbadat, Kathialick) acceptent d’être recasés à 6 km du site de l’aéroport, ceux de Kessoukhatt n’ont pas été favorables au délogement. Pour cause, dans les villages de recasement, les bénéficiaires dénoncent des engagements non tenus par les autorités. Pas de marchés construits pour les villages ni d’aires de jeux pour les jeunes, comme cela avait été promis.

Opacité

L’ouverture de ce nouvel aéroport a aussi fait des mécontents à l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor en service depuis 70 ans. En effet, les entreprises sénégalaises opérant au sein de l’ancien aéroport ont fermé leurs portes ce jeudi, tout comme les pistes qui seront consacrées désormais aux fins militaires. Comme accusation, ces sociétés doigtent le consortium d’exploitation sénégalo-turc de les avoir écartées du transfert vers AIBD, au profit de structures étrangères.

Ils dénoncent dans cette affaire un manque de transparence et l’absence d’appel d’offres pour la concession des lounges mais aussi pour le magasin duty free accordé désormais au français Lagardère. Si du côté de l’AIBD on estime que les entreprises sénégalaises ont bien postulé, mais le mieux offrant a été retenu, l’Union des prestataires et opérateurs du Sénégal (UPOAS) et le Conseil national du patronat (CNP) restent néanmoins toujours derrière les protestataires pour dénoncer une opacité dans l’attribution des marchés.

Couacs

Ce 7 décembre, les premiers passagers des vols commerciaux ont commencé par dénoncer quelques couacs. Selon une passagère, « les employés n’ont pas encore été bien formés », confie-t-elle. Et d’ajouter, « il manque quelques préparations. J’espère qu’avec le temps tout sera en ordre. On peut comprendre que pour certains, ce sont les premiers jours ». Un autre a dû conclure en quelques mots tout ce qu’il a déduit de ce premier voyage : « les équipements changent, mais les pratiques restent. »

Ambitions

Si Macky Sall se félicite de cette nouvelle initiative, il ne compte pas rester là. Prochaine étape de ses ambitions aériennes, faire renaître la compagnie Air Sénégal. Cette compagnie devrait, selon les autorités sénégalaises, effectuer ses premiers vols commerciaux très bientôt. Certains évoquent l’échéance janvier 2018. Et son directeur n’est pas inconnu dans le monde aéroportuaire en Afrique. Il s’git du français Philippe Bohn. Il lui colle souvent l’étiquette d’ancien « Monsieur Afrique » d’Airbus. Sa mission est lourde. Il devra faire beaucoup mieux pour faire oublier ses prédécesseurs, dont les directions ont été marquées par les faillites successives subies par Air Afrique en 2002 et Sénégal Airlines en 2016.

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