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Fake news: le combat stratégique en Afrique sur fond de lois liberticides 

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Les fake news sont-elles en train de prendre « le pouvoir » sur le continent ? La toile africaine subit depuis quelques années l’emprise de fausses informations, induisant souvent plusieurs internautes dans l’erreur. Cette désinformation se fait parfois à dessein avec des robots spéciaux. Un consultant togolais en communication explique que les fake news peuvent être diffusées pour différentes raisons.

L’expert cite en exemple les dernières élections au Kenya qui ont vu des hommes politiques créer de faux comptes et sites d’informations. Ils ont ensuite sponsorisé des publicités sur YouTube et Instagram dans le but de discréditer leur adversaire. Cependant, des voix s’élèvent pour mettre fin à la diffusion de fausses informations.

Contourner les fake news par la vérification

Des journalistes et des professionnels de la communication ne manquent pas de décrier ce qu’ils considèrent comme un obstacle à la diffusion de bonnes informations. Pour cela, ils proposent souvent aux internautes des astuces ou des techniques avec lesquelles ils peuvent s’assurer de la véracité d’une information. Le réseau social Facebook met également des outils éducatifs à la disposition de ses utilisateurs. Ils peuvent se servir des outils pour repérer et limiter la diffusion de fausses nouvelles à des occasions spéciales comme les élections.

Les pouvoirs publics se sont aussi positionnés dans la lutte contre la prolifération de fausses informations. C’est notamment à travers les décrets ministériels ou des lois votées par des parlements que certains États envisagent combattre les fake news. Les dirigeants essuient cependant des critiques. Des spécialistes des questions liées à l’Internet en Afrique expliquent que l’argument brandi par les Etats leur permet de restreindre certaines libertés fondamentales comme le droit à l’information. Selon les experts tout est fait par les autorités publiques pour contrôler les réseaux sociaux dans des limites disproportionnées.

Des lois jugées liberticides

Il faut dire que la plupart de ces lois censées mettre fin aux fake news violent aussi la vie privée des populations. En Tanzanie, la loi sur les communications électroniques et postales oblige désormais les blogueurs ou autres responsables de plateformes en ligne à se faire enregistrer par l’État moyennant un payement annuel. Cette loi donne un pouvoir de contrôle aux autorités qui doivent d’abord certifier toutes les plateformes en ligne avant leur fonctionnement. Grâce à toutes les informations que peuvent détenir les autorités sur les blogueurs ou autres utilisateurs des réseaux sociaux, elles ont la possibilité de tout contrôler sur le « web tanzanien ».

Les autorités éthiopiennes ont quant à elles acquis des logiciels espions qui leur permettent de surveiller des journalistes et des dissidents. En Égypte, le gouvernement a déployé des technologies qui limitaient l’accès des utilisateurs à l’Internet, interdisant les appels vocaux sur les applications de médias sociaux en avril dernier et bloquant des centaines de sites locaux et internationaux dans un contexte de répression médiatique généralisée.

Au Togo, le gouvernement s’est engagé en conseil des ministres à lutter contre les fausses informations sur les réseaux et les applications de messagerie. Beaucoup craignent néanmoins que cela soit un moyen pour les autorités de collecter des données personnelles pour mieux surveiller les réseaux sociaux. Dans d’autres pays comme le Burundi, l’État a pris des mesures jugées liberticides pour les journalistes.

Arme politique

Outre le droit à l’information qui est menacée, l’Internet ou les réseaux mobiles sont aussi coupés pour des raisons politiques. Une dizaine de pays de l’espace numérique africains ont souffert de cette « fermeture intentionnelle ». En Afrique centrale, au cours de l’année écoulée, des Camerounais de la région anglophone ont ainsi été privés d’Internet durant de longue semaine à cause de manifestations anti-gouvernementales.

Plongée dans une instabilité politique, la République démocratique du Congo est aussi concernée. Le gouvernement du président Kabila n’hésite pas à couper la connexion Internet pour les Congolais en violation des lois. Le Kenya s’illustre pour sa part en Afrique de l’est avec la fermeture des réseaux sociaux. Les autorités kenyanes ont souvent évoqué des raisons sécuritaires dénoncées par des organisations non gouvernementales nationales et internationales. En décembre 2017, pour un temps, les populations n’ont pas eu accès à Twitter, Facebook et YouTube.

Des associations de défenses des droits numériques citent aussi l’Algérie et le Maroc. Il est reproché à aux gouvernements de ces pays de contrecarrer les flux Internet pour les populations. En Afrique de l’Ouest, le régime du président Faure Gnassingbé du Togo utilise aussi la coupure des connexions mobiles pour dissuader les manifestations d’opposition. Les dernières coupures de la connexion Internet ont entraîné des pertes économiques pour le pays.

Dénonciation

Image result for internet shutdownEn dehors des organisations de défense des droits de l’homme, des experts du numérique déplorent aussi les constats sur le continent. Des organismes spécialisés commencent d’ailleurs à évoquer des sanctions. C’est le cas du Centre africain d’information sur les réseaux (AFRINIC), une agence basée à Maurice qui gère et attribue l’enregistrement des adresses IP Internet. L’AFRINIC estime qu’un refus d’adresse IP doit être opposé aux gouvernements qui supervisent une coupure d’Internet ou de leurs organes connexes.

Des personnalités civiles du continent affirment aussi que ces législations sont en train de faire régresser l’Afrique en matière de droit à l’information. Le philanthrope Mo Ibrahim considère de son côté que la décision des États de contrôler ou de fermer l’Internet est un crime qui ne doit pas être toléré. Il n’encourage pas la diffusion des fausses informations. L’homme d’affaires déclare qu’elles peuvent être combattues autrement. « La pénétration d’Internet doit s’accentuer sur le continent. Elle peut stimuler la scène technologique dans les différents pays », rappelle-t-il.

 

 

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