Accueil Afrique de l'ouest Bénin  Paradigm Initiative inquiet de l’état de la liberté numérique en Afrique [Étude]

 Paradigm Initiative inquiet de l’état de la liberté numérique en Afrique [Étude]

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C’est un rapport accablant et sans complaisance qu’a rendu public, il y a quelques jours, l’ONG Nigériane Paradigm Initiative sur les droits du numérique en Afrique. Le rapport rendu public lors du Forum Mondiale sur la gouvernance de l’Internet à Paris, dresse un tableau sombre de la dégradation de ces droits en Afrique. Parmi les mauvais élèves de ce rapport, on note entre autres les pays comme : l’Ouganda l’Égypte et le Cameroun.

Selon Paradigm Initiative, la répression des Droits numériques et les violations à travers le continent ont revêtu une nouvelle dimension juridique et sophistiquée. Les dictateurs et les régimes répressifs avec l’avènement d’internet ont adopté la tactique dite de « l’État de droit » pour faire taire la dissidence, la mobilisation des citoyens et le discours civil en ligne. Cette tactique de « l’État de droit » est une utilisation cynique de lois et de la politique pour légitimer des actions qui restreignent l’espace pour la liberté d’expression, la vie privée, la liberté de réunion et d’association et d’autres Droits numériques en ligne.

Le rapport en question explique, dans un premier, que les régimes de Tanzanie, d’Ouganda de Zambie d’Égypte du Maroc du Bénin et du Togo se sont inspirés du registre des dictateurs pour mettre en péril l’avenir des sociétés démocratiques, ouvertes et inclusives à travers le continent. Puis regrette le fait que ces états refusent de donner suite à des appels en faveur de la promulgation de lois protégeant les droits numériques ou retardent tout simplement l’adoption de ces lois et politiques.

Le rapport Paradigm Initiative indique par ailleurs que seuls 23 pays ont mis en place une législation sur la protection des données sur le continent (15 autres avec un projet de législation), alors que la protection des données est devenue un fondement essentiel de la vie à l’ère numérique et du bon fonctionnement de l’économie numérique. Un nombre insuffisant au regard des réactions des militants des droits de l’homme sur le continent. Lesquels s’inquiètent du fait que plusieurs lois importantes nécessaires à la protection des Droits numériques n’existent pas ou sont à l’état de projet.

En Afrique, des arrestations de citoyens pour des commentaires anodins faits en ligne, une surveillance illégale des citoyens et même des fermetures d’Internet sont effectuées dans des contextes où la constitution et la législation nationales déclarent de tels actes illégaux. Dans de tels scénarios, il est souvent devenu habituel pour les acteurs étatiques d’extraire littéralement des sections de la législation existante et de les utiliser comme justification légale d’actes illégaux.

Des coupures d’internet fréquentes.

Au cours des trois dernières années, les coupures d’Internet ont eu lieu avec une régularité remarquable en Afrique, généralement autour des manifestations de citoyens et d’autres événements politiques. Le rapport de 2016 sur les Droits numériques en Afrique rendu public par Paradigm Initiative a fait état de 11 incidents des fermetures d’Internet sur le continent alors que le rapport de 2017 traitait de 8 incidents. En 2018, des interruptions ou des perturbations de l’Internet ont eu lieu en Éthiopie, au Mali, en République démocratique du Congo, en Sierra Leone, au Cameroun et au Tchad. Dans le monde entier, de nombreuses personnes se souviendront de la fermeture de l’Internet au Cameroun, qui a duré 93 jours.

Le plus long arrêt d’Internet de l’histoire du continent a montré que le respect des Droits numériques désespérément faible en Afrique était en baisse. En plus de la souffrance humaine, les arrêts d’Internet occasionnés causent également des pertes économiques comme l’ont montré certaines études. Il existe déjà des signes encourageants indiquant que le sujet est abordé dans les principaux forums internationaux. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans le contexte de l’Union africaine pour mettre un terme à la situation entourant les fermetures d’Internet en Afrique.

Les mauvais élèves

L’Ouganda a attiré l’attention de la Communauté internationale en raison de sa stricte position juridique et sociale à l’égard de la communauté LGBTQI. L’économie ougandaise a connu une croissance de 4,5 % au cours des deux dernières années. Cependant, la croissance économique a été plus rapide en raison de la forte croissance de l’agriculture et des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).

La dégradation de la situation des droits de l’homme en Tanzanie se reflète également dans la liberté de l’Internet et les Droits numériques. Bien que, comme indiqué précédemment, de nombreux organes de presse aient été fermés en Tanzanie en 2017, cette année a été marquée par une nouvelle répression de la liberté d’expression en ligne dans le pays. Les citoyens ordinaires ont également été touchés, comme le montrent les exemples ci-dessous.

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Le gouvernement a fermé plusieurs journaux et attaqué plusieurs dirigeants, y compris des groupes minoritaires et des adolescentes enceintes. En avril, deux musiciens tanzaniens ont été arrêtés pour avoir publié des vidéos sur les réseaux sociaux. Le chanteur primé âgé de 28 ans, Nassib Abdul, également connu sous le nom de Diamond Platnumz, a été arrêté le 16 avril pour avoir partagé un clip vidéo avec ses 4,5 millions de followers sur Instagram le montrant en train d’embrasser une fille.

En outre, Faustina Charles, âgée de 26 ans, connue sous le nom de Nandy, a également été arrêtée le même jour pour avoir publié un clip vidéo d’elle-même et d’un autre musicien via WhatsApp. Les autorités tanzaniennes ont estimé que la vidéo était « indécente ».

Le Règlement de 2018 sur les communications électroniques et postales (contenu en ligne), entré en vigueur en avril 2018, introduit une série de restrictions radicales à la liberté d’expression, notamment en exigeant : La dégradation de la situation des droits de l’homme en Tanzanie se reflète également dans la liberté de l’Internet et les Droits numériques. Bien que, comme indiqué précédemment, de nombreux organes de presse aient été fermés en Tanzanie, et 2018 a été marquée par une nouvelle répression de la liberté d’expression en ligne dans le pays. Les citoyens ordinaires ont également été touchés.

En Afrique blanche, l’Égypte et Maroc se sont illustrés négativement dans ce rapport. Depuis la prise du pouvoir en Égypte par le général Abdel Fattah El-Sisi, le contexte de répression brutale des voix dissidentes s’est accru ; y compris en 2018. L’Égypte dispose par exemple d’un des réseaux de surveillance les plus étendus ciblant les groupes d’opposition, les militants, les organisations de défense des droits humains, les blogueurs et les journalistes. Surtout sur les médias sociaux et autres plateformes de communication, cette réalité a créé un climat de peur au sein de la communauté activiste égyptienne.

À cet égard, il y a eu un certain nombre d’arrestations et de détentions de voix dissidentes sur des plateformes numériques en Égypte. Le 23 mai 2018, l’éminent blogueur et journaliste égyptien Wael Abbas, l’un des blogueurs les plus populaires du monde arabe, a été arrêté par la police égyptienne, mais pas avant de publier « Je suis en train d’être arrêté » sur sa page Facebook. Wael Abbas a été un blogueur pionnier et influent en Égypte, connu pour ses critiques sur la corruption, les brutalités policières et le recours à la torture en Égypte.

Dans un autre incident qui témoigne du climat répressif qui règne dans le pays, une touriste libanaise, Mona El-Mazbouh, a été condamnée par un tribunal du Caire le 7 juillet à huit ans d’emprisonnement. Sa peine concernait une vidéo de 10 minutes qu’elle a postée sur Facebook dénonçant le harcèlement sexuel et les conditions de vie en Égypte.

Toujours en Égypte, depuis le 14 août 2018, les autorités égyptiennes ont ordonné la détention de quatre journalistes dans le cadre d’une affaire où plusieurs journalistes, militants et universitaires étaient accusés d’appartenance à un groupe interdit et de diffusion de fausses informations. Parmi eux, Islam el-Refai, également connu sous le nom de Khorm, un blogueur satirique qui gérait également un compte satirique sur Twitter avec 75 000 abonnés.

Le 11 mai 2018, Amy Fathy et Mohamed Lotfy, son mari, ont été arrêtés pour avoir publié une vidéo sur Facebook dans laquelle elle parlait de harcèlement sexuel en Égypte et du manque de protection du gouvernement envers les femmes. La police a fait irruption chez elle au Caire et les a conduits au poste de police avec leur enfant de 3 ans. Sa vidéo de 12 minutes a également abordé la dégradation de la situation des droits de l’homme et de la situation socio-économique en Égypte.

Au Maroc par contre malgré l’existence de l’article 25 de la Constitution marocaine de 2011 garantissant les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes. Plusieurs web journalistes ont été inquiétés. C’est le cas en juin 2018, du web -video-journaliste et éditeur marocain, Mohamed al-Asrihi condamné à 5 ans de prison et à une amende de 2 000 dirhams marocains (environ 210 $), dont le travail porte sur la corruption, les droits de l’homme et la politique, un autre cas plus palpant est celui du journaliste et rédacteur en ligne sur Internet, Hamid al-Mahdaoui, qui couvre la corruption, la politique et les droits de l’homme.

Il a été arrêté le 20 juillet 2017 par la police marocaine alors qu’il se rendait dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, pour couvrir des manifestations organisées par le Mouvement populaire. Le même mois, il a été condamné par le tribunal pénal à trois mois d’emprisonnement et à une amende de 20 000 dirhams marocains (2 200 dollars) pour « avoir commis des délits par des discours et des cris dans des lieux publics ». À cette liste vient s’ajouter un manifestant du non d’El Mortada Lamrachen ; lui a été arrêté chez lui le 10 juin 2017 après avoir utilisé sa page Face book pour appeler à des manifestations pacifiques lors des troubles qui se sont déroulées dans la région de Hoceima, au Maroc, d’octobre 2016 à juillet 2017. Une situation moins reluisante similaire à la situation qui prévaut en Afrique centrale et de l’ouest.

Dans cette partie du continent africain les restrictions liées au des Droits numériques ont également été enregistrés dans les pays comme : le Cameroun la République démocratique du Congo, le Nigéria et le bénin.

Le Cameroun n’a pas encore de loi spécifique sur les médias sociaux et Internet. La loi n ° 2010/012 du 21 décembre 2010 sur la cybersécurité et la cybercriminalité est utilisée, le cas échéant, et « régit le cadre de sécurité des réseaux de communication électroniques et des systèmes d’information, définit et sanctionne les infractions liées à l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication au Cameroun ». Bien que cette loi soit appliquée pour contenir la menace croissante de la cybercriminalité, les fausses informations et les discours de haine restent critiqués pour leur manque de précision sur les Droits.

 

Le pays a enregistré une fermeture d’Internet de 93 jours en 2017 dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, deux régions en conflit depuis 2016. Le 6 décembre 2017, l’écrivain camerounais Patrice Nganang a été arrêté dans la région du Littoral camerounais avant son voyage au Zimbabwe. L’arrestation a eu lieu après plusieurs publications sur son compte Facebook critiquant le président Paul Biya et son gouvernement.

Le 20 janvier 2018, une lettre circulaire du ministre de la Justice enjoignait aux magistrats de « s’engager, après identification précise par les services de sécurité, à poursuivre juridiquement toute personne résidant au Cameroun qui utilise les réseaux sociaux pour diffuser de fausses informations ».

Cette circulaire est considérée par les activistes comme un prétexte pour le contrôle de l’Internet. En 2018, la RD Congo a enregistré plusieurs perturbations et fermetures d’Internet. L’accès aux médias et aux réseaux sociaux tels que WhatsApp, Facebook, YouTube et Skype a été interrompu à plusieurs reprises pour entraver la communication entre les manifestants de l’opposition dans plusieurs régions du pays.

En 2017, la Collaboration sur la Politique internationale relative aux TIC en Afrique Orientale et Australe (CIPESA) estimait que la République Démocratique du Congo perdait 2 millions de dollars par jour à cause de ces perturbations. Le 30 décembre 2017, le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Information a demandé par lettre officielle au Directeur général d’Africell Congo de suspendre totalement les fournitures Internet et SMS dans le pays. Cette fermeture de trois jours a eu lieu après le début des manifestations de l’opposition.

La République du Bénin a quant à elle maintenu un bilan décent en matière de droits de l’homme au cours de la dernière décennie. Malheureusement, la décision du gouvernement d’imposer une taxe sur les services payants dans le pays a gâché ce record. Le gouvernement, par le décret 218-341 du 25 juillet 2018, a imposé une taxe sur l’utilisation des médias sociaux. Le décret prévoit le paiement d’une redevance de 5 FCFA par mégaoctet utilisé par l’utilisateur des services Over the Top (OTT) tel que Facebook, WhatsApp, Twitter, Viber et Telegram. Cela s’est traduit par une augmentation de 400 % du prix d’un mégaoctet dans le pays.

Outre cette mesure Le Bénin a un bilan moins que remarquable en matière de liberté de la presse et est actuellement classé 84e sur 180 pays dans un classement de Reporters Sans Frontières. La menace de fermer des publications en ligne non enregistrées dans un pays sans procédure connue d’enregistrement devrait être considérée dans le contexte plus large d’un pays qui a montré une tendance à fermer à volonté les médias.

Au Nigéria les cas de restrictions et de violations des droits numériques. Depuis l’instauration du nouveau gouvernement au Nigéria en 2015, on a le sentiment que la situation des droits de l’homme s’est détériorée. La liberté d’expression, la liberté d’association et les voix dissidentes ont été mises à rude épreuve, une situation qui a désillusionné des millions de Nigérians qui espéraient une vie meilleure. Les actions, les politiques et les déclarations du gouvernement fédéral et de certains gouvernements d’États ont porté atteinte aux droits de l’homme, y compris les Droits numériques.

3Le 1er janvier, Daniel Elombah, l’éditeur de elombah.com, a été arrêté à l’aube avec son frère Timothy dans sa résidence dans l’État d’Anambra au Nigéria par des agents de la sécurité, sur un article qu’il avait écrit et jugé offensant pour l’inspecteur général de la police du Nigéria, publié sur le site Web privé Opinion Nigéria. Les deux hommes ont été traduits devant la Haute Cour d’Abuja le 1er mars 2018 et ont plaidé « non coupables » à dix chefs d’accusation de diffamation. Bolouere Opukiri, une employée du bureau de l’amnistie présidentielle, a été relevée de ses fonctions pour avoir critiqué le vice-président et la première dame sur Twitter.

En réponse à des plaintes de partisans du président ayant une présence en ligne, ses supérieurs au travail ont lancé une enquête qui a abouti à son licenciement. Ibrahim Garba Lawal, communément appelé IG Lawal, a été arrêté par des agents de sécurité pour avoir partagé des détails sur des allégations de corruption, le président de la Commission nigériane du Hadj sur Facebook M. Lawal a été traduit en justice mercredi devant une haute cour d’Abuja à Jabi pour trois chefs d’accusation de diffamation de caractère criminel, d’incitation publique et d’exploitation d’une organisation illégale (CATBAN).

Au cours des trois dernières années, l’espace des Droits numériques a évolué assez rapidement en Afrique. Cependant, une chose est clairement apparue : la lutte pour le contrôle d’Internet n’a fait que s’intensifier et les acteurs étatiques du continent ont mis au point de nouvelles méthodes pour étouffer les Droits numériques.

Bien que les coupures d’Internet, les arrestations de citoyens et de blogueurs/journalistes, la surveillance illégale, le déploiement de logiciels malveillants et de logiciels espions sophistiqués demeurent des instruments d’atteinte aux droits numériques, les acteurs étatiques du continent adoptent de plus en plus de voies légales pour promulguer des lois portant atteinte à la vie privée, liberté d’expression, liberté d’association et autres Droits numériques.

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