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Zimbabwe: bilan des 100 jours de l’après-Mugabe [Grand Angle]

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Porté par un peuple lassé d’un patriarche  nonagénaire qui a du mal à rester éveiller pendant une conférence de plus de 2 heures, et soutenu par Amai Auxilia Mnangagwa, une Première Dame bien informée et énergique, c’est avec un air serein que l’actuel chef d’État zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa, s’est livré volontairement à un exercice assez rare sur le continent africain, et pourtant démocratique : le bilan de ses 100 premiers jours.

Rêver néanmoins d’une émergence du Zimbabwe en 100 jours est utopique, mais s’attendre à des signaux progressistes et des amorces de changements n’est pas de trop. Sur ce coup, Emmerson Mnangagwa semble séduire et se dit confiant, même si sa population ne se montre pas encore rassurée de la nouvelle gouvernance. Il a d’ailleurs, dans un mini vidéo publié sur sa page Facebook, plaidé pour un « réalisme » dans son bilan.

En effet, beaucoup s’attendaient à le pourfendre à l’aune des fébrilités de gouvernance de son prédécesseur et mentor Roger Mugabé. Mais aussi impressionnant (mais prévisible) que cela puisse paraitre, l’homme s’en sort avec un résultat au demeurant passable, avec une perspective positive pour cet État.

Dans son auto-évaluation, le président affirme que les 100 premiers jours avaient été une « période d’action » dans la réalisation des objectifs fixés.

Emmerson et l’après-Mugabe

À la chute de Mugabe, qui coïncidé avec une fin d’année, le Zimbabwe a adopté un budget audacieux qui a permis, selon certains observateurs, de réduire la loi sur l’indigénisation pour ouvrir l’économie à l’investissement.

Si à moins de 3 mois de l’adoption de ce budget, il est risqué de le juger, l’actuel gouvernement reste optimiste. Le chef de l’État voit déjà lui, des signes positifs pour redresser une économie si s’effondrait lentement cette dernière décennie sous le regard impavide de Mugabe.

Mais ce n’est pas la seule entreprise sur laquelle compte le gouvernement zimbabwéen pour redresser son économie. En décembre dernier, Mnangagwa avait accordé une amnistie de trois mois à tous ceux qui sont accusés de corruption pour renvoyer les fonds détournés. Selon les chiffres communiqués par le nouveau président, au moins 250 millions de dollars sur 1,3 milliard de fonds externalisés ont été rapatriés depuis le début de cette mesure.

Contrairement à Mugabe, Mnangagwa ne s’est pas donné de garde-fou dans sa diplomatie. Le président zimbabwéen s’est engagé avec toute puissante capable d’aider son pays à travers le monde, ce qui constitue un énorme changement par rapport à la politique d’exclusion de Mugabe, qui consiste à faire dos aux puissances européennes et de dépendre de la Chine sans moindre réciprocité du géant économique asiatique.

Jusqu’ici, le pays a obtenu des engagements d’investissement de 3 milliards de dollars de la part de certaines des plus grandes entreprises du monde.

Sur le plan sanitaire, le gouvernement zimbabwéen a ordonné à tous les établissements de santé publique d’éliminer les frais de traitement pour les groupes vulnérables, y compris les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les personnes âgées de plus de 65 ans.

Branle-bas

Mnangagwa, cependant, a reconnu les frustrations de nombreux Zimbabwéens à la lenteur des progrès au cours de la période. Ces frustrations proviennent principalement de l’incapacité du gouvernement à faire face au manque de liquidités au cours des 100 premiers jours, réduisant ainsi les espoirs que les citoyens du pays avaient dans la nouvelle administration quand elle a été instaurée.

Et ce, même si le gouvernement avait également facilité une plus grande utilisation de l’argent mobile pour lutter contre la crise de la trésorerie et réduire les droits d’accise sur l’essence. Une initiative qui a entraîné la réduction des prix du carburant.

Sans négliger le ton revanchard, le leader du MDC-T et le principal adversaire probable de Mnangagwa à l’élection présidentielle, Nelson Chamisa, a déclaré que les 100 jours du président ont été marqués par une sous-performance et un échec à répondre aux attentes de la population.

Selon celui-ci, la nouvelle administration n’a pas réussi à articuler les repères des 100 premiers jours. « Il y a eu une énorme déception dans la conduite de l’administration parce que dans le domaine économique, en particulier sur les files d’attente de trésoreries, les problèmes sont toujours là, les pénuries de liquidités sont encore abondantes. Les réformes économiques qui ont été indiquées ne se sont pas déroulées dans leur intégralité, en particulier dans le contexte d’ouverture du Zimbabwe » ajoute celui-ci.

Mnangagwa est également tancé d’avoir négligé de traiter des questions à portée de main telle que l’alignement des lois et le passage du radiodiffuseur d’État du porte-parole du Zanu PF à celui qui représente les opinions d’autres acteurs tels que les partis d’opposition et la société civile.

Le combat de Mnangagwa contre la corruption a été largement considéré comme partisan, car il ne vise que ceux qui faisaient partie de la faction qui avait fusionné autour de l’ancienne première dame, Grace Mugabe, connue sous le nom de G40.

En attendant l’élection présidentielle de septembre prochain comme promis, Mnangagwa a encore une mission : séduire une population désillusionnée de toute notion de condescendance et de lèse-majesté.

 

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