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Cyclisme: un sport en quête de repères au Togo

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Ce n’est pas exagéré : à 23 ans, Raouf Akanga est au cyclisme togolais, ce qu’a été Mère Térésa aux orphelins.

 Demandez au jeune Raouf Akanga, le maillot jaune et pionnier du cyclisme au Togo un entretien pour parler explicitement de cette discipline pour laquelle il voue un culte, vous-vous rendrez compte de deux choses à la fois : l’endurance et la foi des pratiquants de ce sport malgré les moyens presque inexistants. Ensuite, un drôle de professionnalisme.

Stade omnisport de Lomé. Sous l’ombre imposant de l’hôtel Radisson Blu 2 février git un vieux bâtiment de 5 pièces de chambres au maximum, aux badigeons salis, sans enseigne. Rien en commun avec cette grande villa non loin du stade de Kégué, avec une grande cour au milieu de laquelle trône un épervier posé sur un ballon de football. Le siège de la fédération du cyclisme lui, n’a pas de réputation.  En effet, en général, l’histoire même du cyclisme togolais, c’est cette histoire intéressante à sa genèse et ennuyeuse à la fin. Cette histoire a un début : 1962, avec des pages écrites par d’inlassables coureurs comme Anani Koffi, Morera Komi ou encore Rodriguez Amavi. Et ce n’est pas le président de la Fédération togolaise du Cyclisme, le très franc Monsieur Anani  Assiongbon qui dira le contraire. Le dernier tour cycliste du Togo illustre à perfection la situation: Vainqueurs au début, loosers à la fin.

Descente aux enfers

 Le tour cycliste international organisé depuis 1989 à l’endroit des amateurs pressentait pourtant un bon avenir. L’objectif était de révéler les nouveaux talents togolais. Bilan de la mission, mitigé.

En effet, au Togo, c’est à l’approche d’une compétition qu’on connait les cyclistes. Ils ne sont pas formés au siège. En réalité, à en croire certaines personnes de cette fédération, cette dernière et les pratiquants de ce sport sont victimes de ce qu’on peut appeler de l’injustice ou de la discrimination. Cette discrimination, elle vient du fait que les dernières aides de l’État togolais à la fédération du cyclisme datent de quelques années. Elles sont sporadiques. Et les fois qu’elles ont été reçues, rarement elles ont dépassé le cap de 10 millions, selon une source interne. Autrement, moins que le salaire mensuel du sélectionneur de l’équipe nationale togolaise de football. Alors qu’en marge de cela, le vélo professionnel offert par l’Ambassade de France pour le dernier tour cycliste a coûté un peu plus de 3 millions F CFA.

Cette fédération se nourrit des miettes amassées après l’organisation du tour cycliste togolais dont le français Francis Ducreux se veut garant. Ou parfois, des aides du Comité olympique du Cyclisme. Raison de plus, il est difficile de former de nouveaux cyclistes au Togo.

Seulement quelques clubs, 10 au total à Lomé, Kpalimé et ailleurs, font ce titanesque travail de perpétuation de la discipline. Sur ce coup, Raouf Akanga est encore présent avec son projet Kpalimé Cycling Project. Une association qui a pour vocation de promouvoir le cyclisme auprès des jeunes, en faisant des dons des matériels. A savoir la source de financement, elle vient des bonnes volontés, surtout de l’étranger. Et rien d’autres, ni de la fédération, ni de l’État via le ministère tutélaire.

Par ailleurs, ces quelque 18 cyclistes togolais qui ont actuellement une licence ne vivent pas de ce métier. Ils ne sont pas « nourris par la fédération ». De même, leurs matériels leur appartiennent. Ils s’enregistrent eux même auprès des clubs où ils s’occupent de leurs formations et des frais que cela peut engendrer. Les seules choses qu’ils bénéficient de la fédération, ce sont les primes de sélections pour les compétitions.  Ou alors, à la veille d’une compétition, la fédération aide les jeunes sélectionnés avec « quelques pièces détachées » pour ceux qui ont besoin. « Nous sommes dans l’amateurisme encore. » Reconnais monsieur Émile Olympio. Pris isolément, la fédération n’a pas de matériels à proposer. Elle n’a pas un vélo. Et Raouf Akanga en a encore fait les frais lors d’un récent tour de Bénin, où son vélo a été cassé sans qu’il n’ait pas de vélo secours, alors même qu’il était en tête de course. Mais il n’en meurt pas de remords. « Nous devons nous réveiller athlètes et dirigeants, nous mettre sérieusement au travail pour faire progresser le cyclisme, » a-t-il confié.

Alerte

  « Autrefois, les coureurs étaient dociles. Entretemps, les pays voisins nous craignaient. Mais maintenant, nous sommes arrivés à un niveau zéro », selon le secrétaire de la fédération. Ce niveau zéro est marqué par l’organisation du tour cycliste qui revient onéreuse à une fédération, actuellement en quête de repères. L’organisation d’un tour cycliste revient à plus de 40 millions de F CFA. Parfois, il arrive même qu’aux derniers moments, les choses soient modifiées. Un peu comme de la broderie, faite dans l’intention de trouver à chaque participant, de quoi ne pas rentrer au bercail bredouille.

Le cyclisme est un peu mal vu au Togo. C’est en réalité beaucoup de choses qui échappent à ce public hilare que les cyclistes dépassent dans leurs épreuves. Un manque de soutiens alarmant. Le secrétaire avoue chaque fois déposer des demandes de sponsoring qui restent toujours sans suite. N’eût été l’amour-passion d’un enseignant cycliste français du nom d’Henry Ducreux, à l’endroit de cette épreuve sportive, devenu par le temps promoteur du cyclisme togolais, cette histoire aurait déjà écrit sa dernière page. Puisqu’en fait, c’est lui qui cherche chaque fois à la veille de la compétition, du financement.

Mais le haut de cette histoire c’est aussi, un futur imminent, que marqueront probablement encore plus les noms comme Akanga Raouf, Mensah Walter ou encore Abino Amen, de jeunes protégés de la fédération. Elle ne jure que sur leurs talents. Soit eux, soit la fédération n’a plus d’espoirs. Même si les moyens mis à leur disposition restent très insuffisants. Le maillot jaune togolais le sait, et il nous l’a confié : « je vais toujours me battre pour trouver les moyens et représenter valablement le Togo ». Soit !

 

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